L’Amicale des épouses des Thiantacounes détenus de la Mac de Thiès, ont adressé une lettre ouverte datée du 28 novembre 2018, à la Première Dame, Mme Sall Marème Faye, pour lui faire part de leur désspoir…
« Madame Sall, nous nous permettons, nous épouses de seize (16) détenus résidents à la Maison d’Arrêt et de Correction de Thiès depuis Avril 2012 suite à l’affaire Medinatoul Salam de vous approcher par cet écrit.
Nous nous réjouissons de votre statut de femme sénégalaise en qui nous pouvons nous identifier au quotidien car ceci n’a pas été le cas depuis notre indépendance. En effet, il aurait été moins simple de faire part de notre désespoir à une première dame de culture et de conviction autre que la nôtre.
L’objet de cet écrit est dans un premier temps un moyen d’extérioriser notre chagrin et nos douleurs qui, au bout de 6 ans et 8 mois, ne peuvent plus être estompés par aucune de nos forces. L’endurance a ses limites et nous avons atteint les nôtres.
Vous et nous combattons chacun de nos côtés, pour la réussite et le succès de nos époux … à la seule différence que le vôtre, Notre Président de la République (élu en Mars 2012) use encore de ses droits, de sa liberté, de sa dignité et de votre présence et celle de vos proches qui lui est certainement primordiale.
Nous autres avons accepté, avec tout le respect que nous devons à notre système judiciaire qu’une enquête soit ouverte afin d’éclaircir des faits graves ayant ôté la vie à deux citoyens, mais aussi que pendant ce temps d’investigations et de prise de décisions, un certain nombre de personnes soient privés de manière « provisoire » de certains de leurs droits dont la liberté de mouvement donc la détention provisoire (depuis Avril 2012).
Bien que nos combats soient différents, vous constaterez que leurs durées sont similaires (à un mois près), vous pourrez donc aisément imaginer l’abnégation , l’endurance , et l’ardeur de nos efforts pour sauvegarder ce qui représente la famille. L’absence d’un chef de famille sur cette longue durée a disloqué plus d’une famille et nous souhaitons sauver les nôtres pour nos époux, nos enfants et nous-mêmes … pour le bien de la famille.
Permettez-nous Mme SALL sans y voir aucune offense, car loin de là notre intention, d’imaginer votre combat dans une famille disloquée, sans époux, sans enfants mais par-dessus tout sans horizon limpide … votre combat serait certainement vain !
En effet, un jugement est nôtre seule requête afin de distribuer les responsabilités dans cette affaire et de sanctionner les coupables. Et là le terme « coupable » a tout son sens car aujourd’hui, malgré 6 ans et 8 mois de détention, nous ne pouvons même pas évoquer ce terme à l’endroit de nos époux faute de jugement.
Aujourd’hui Mme SALL le problème est double et des vies en dépendent. Face à ce désespoir, nos époux ont entamé une grève, refusant toute alimentation. Notre corps est vie, et sans alimentation il n’est plus !
Nous sommes, après toutes ces années de combat, sur le point d’expliquer à nos enfants la mort subite de leurs pères qui ont refusé de s’alimenter pour revendiquer leur droit : une date, celle de leur jugement.
« Un droit ne vaut pas une vie … »
Après avoir alerté les défendeurs des droits de l’Homme de tout horizon, nous voilà avec le peu d’énergie nous restant, s’acharnant sur ces mots en espérant que vous y seriez sensible.
Nous vous remercions d’avoir pris la peine et le temps de nous lire, et même si pour toutes les raisons du monde vous ne le faisiez pas car votre combat ne vous le permet pas, nous avons été ravies de pouvoir poser des mots sur nos peines et d’avoir eu l’impression de s’entretenir avec la Première Dame de notre pays.
Enfin nous vous souhaitons succès dans votre combat, mais sachez que le nôtre se profile très mal !
Très respectueusement »