Me Wade à Macky Sall: « Certains magistrats tentent de deviner ce qui peut faire plaisir au Président… »
« Dans l’affaire Sonko mon parti s’est déjà prononcé et pris la défense de Sonko en proclamant notre solidarité agissante et en s’opposant à la levée de son immunité parlementaire.
Sonko a été appelé par le Doyen des juges d’instructions dont il peut sortir du cabinet avec un non-lieu, un mandat de dépôt ou une mise en liberté provisoire, ou encore une mise en liberté surveillée.
Étant donné la tension qui règne dans le pays et la volonté des deux parties d’en découdre, mon devoir de patriarche est de lancer un appel au calme et d’aider à ce que cette question soit résolue de manière démocratique dans le respect de la présomption d’innocence.
C’est pourquoi je demande au Président Macky Sall de faire respecter la loi qui prescrit que tout citoyen est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable par un tribunal équitable, à travers un procès public, contradictoire dans le respect absolu des droits du prévenu et ceux de la défense.
Je lui rappelle que plusieurs fois dans ma vie d’opposant mon adversaire le Président Abdou Diouf a eu la possibilité de me détruire parce que les jusqu’au boutistes qui l’entouraient ne connaissent que la force et le poussaient à me détruire pour m’empêcher à jamais de lui ravir le pouvoir dans des élections démocratiques.
S’il est vrai qu’Abdou Diouf m’a plusieurs fois arrêté et mis en prison, il n’a jamais voulu me détruire ; il a toujours refusé de suivre ses jusqu’au boutistes qui, avec l’ivresse du pouvoir, sont en général incapables de gagner honnêtement leur vie par le travail et ont choisi de profiter du pouvoir pour s’enrichir.
Je peux citer feu Mody Coumba Bâ qui a refusé d’exécuter la volonté du pouvoir de me condamner de sorte que, Président du tribunal, il m’a purement et simplement acquitté. A l’époque les marches devaient être autorisées et c’est moi qui, arrivé au pouvoir, ai fait adopter une loi déclarant que la marche pacifique participait du droit de la liberté d’expression et qu’elle n’avait pas besoin d’autorisation. J’ai supprimé l’autorisation de marche pour la remplacer par la liberté de marche qui avait tout juste besoin de la déclaration auprès du Préfet afin de permettre à l’exécutif de prendre les dispositions pour l’encadrer, non seulement prévenir les débordements mais aussi empêcher que des adversaires intolérants n’attaquent les marcheurs qui exerçaient un droit reconnu par la Constitution.
Monsieur le Président Macky Sall, vous avez aussi autour de vous des jusqu’au boutistes comme il en existe toujours autour de tous les Présidents. Vous avez le devoir de les écouter mais ne les suivez pas car eux, ils n’ont rien à perdre ; dès que ça va chauffer ils vous trahiront et se rendront à l’adversaire pour sauvegarder des intérêts.
N’écoutez pas des magistrats couchés comme Antoine Felix Diome dans l’affaire de Karim Wade. Certains magistrats tentent de deviner ce qui peut faire plaisir au Président et le font avec zèle mais ils manquent de sincérité. Abdou Diouf avait refusé de suivre ses conseillers qui voulaient me détruire. Moi-même j’ai refusé d’arrêter Abdou Diouf comme certains me l’ont conseillé. Dans le passé, des magistrats ont fait leur devoir en refusant de suivre l’exécutif pour arrêter des opposants. Je peux citer feu Mody Coumba Bâ, Président du tribunal a refusé d’exécuter la volonté de certains du pouvoir de me condamner. Il m’a purement et simplement acquitté.
J’espère être suivi par les deux parties qui, au-delà des prises de position passionnelles, auront à cœur, je l’espère, de privilégier le droit et d’éviter la confrontation avec son cortège de morts, de destructions de biens de l’Etat et de patrimoines de paisibles citoyens.
Vous aurez permis à notre pays de réussir une passe difficile et de montrer une fois de plus qu’il sait surmonter les épreuves les plus difficiles, notamment celles qui résultent de la passion de l’adversité politique.
Abdoulaye Wade
Ancien Président de la République
Chef du Parti Démocratique Sénégalais, libéral ».