Ne peut-on pas raisonnablement le traiter de receleur
Notre président-politicien commet bien une infraction, puisqu’il met le coude sur des dizaines de rapports de nos différents organes de contrôle, donc « détient sciemment des objets que l’on sait volés ou obtenus en commettant un crime ou un délit »
Naturellement, c’est du président-politicien qu’il s’agit. J’ai beaucoup réfléchi avant de me résoudre à écrire ce texte. Non point que j’aie peur mais parce que, dans ce pays, les gens sont prompts à crier : « C’est le président de la République, il faut quand même le respecter. » Je leur réponds facilement par deux questions : « Nous respecte-t-il ? Se respecte-t-il lui-même ? »
La réponse est naturellement non. Il renie pratiquement tous ses engagements. Sa parole, qui est toujours le contraire de ses actes, ne vaut plus un rotin. Il ternit le blason de nos valeurs, alors qu’il nous avait promis de le redorer. Il entretient et nourrit au grand jour la corruption, les détournements de deniers publics, la fraude, la concussion, le blanchiment d’argent, etc. Pourtant, il s’était engagé solennellement à mener une lutte sans merci contre ces fléaux. Plus gravement encore, on se fait de plus en plus l’idée qu’il se comporte en recéleur.
Oui, on peut bien se demander si ce président-politicien n’est pas un recéleur. Pour éviter de donner une réponse qui pourrait être contestée, j’ai d’abord consulté mon dictionnaire avant d’écrire ce texte. Selon ce Petit Larousse illustré (2012), un recéleur est « une personne coupable de recel ». Qu’est-ce qu’un recel, selon le même dictionnaire ? C’est une « infraction consistant à détenir sciemment des choses volées ou obtenues en commettant un crime ou un délit ou à soustraire quelqu’un aux recherches de la justice. »
Quant à recéler, « c’est détenir des objets que l’on sait volés, soustraire quelqu’un aux recherches de la justice : recéler le butin d’un cambriolage (…) ».
Notre président-politicien commet bien une infraction, puisqu’il met le coude sur des dizaines de rapports de nos différents organes de contrôle, donc « détient sciemment des objets que l’on sait volés ou obtenus en commettant un crime ou un délit ». Ce n’est pas tout : il soustrait de « nombreux quelqu’un »[[1]]url:#_ftn1 aux recherches de la justice. Oui, ces objets que l’on sait volés, obtenus, peuvent être considérés ici comme l’argent du contribuable et les réserves foncières pillés par des hommes et des femmes de la majorité présidentielle, dénoncés par les rapports de nos différents corps de contrôle. Rapports qui dorment depuis le 2 avril 2012 sur la table du président-politicien et sur celle de son fidèle procureur ? Ce président-politicien a dit lui-même que s’il n’avait pas mis le coude sur de nombreux rapports, beaucoup de gens iraient en prison.
Cette déclaration surprenante de la part d’un président de la République soulevant une vague de commentaires et de questions qui le mettaient mal à l’aise, il se rétracta comme il en a habitude et déclara (encore) qu’il ne parlait que du rapport du Festival mondial des Arts nègres (FESMAN) qui mettait en cause Sindiély Wade. Or, poursuivait-il, « On ne peut pas mettre en prison le frère et la sœur en même temps »[[2]]url:#_ftn2 . Le frère, c’est naturellement Karim Wade.
Cette déclaration est encore plus grave et suscite beaucoup de commentaires. On ne l’entendra jamais, jamais de la bouche d’un président de la République ou d’un chef de gouvernement d’un pays sérieux. Le président-politicien ne devait vraiment pas jouir de toutes ses facultés ce jour-là. S’il est établi que le frère et la sœur sont des voleurs, ne doit-on pas les mettre en même temps en prison ? Combien de frères et de sœurs sont-ils ensemble en prison, parfois avec leurs pères ou leurs mères, pour de longues années ?
Sindiély n’était pas d’ailleurs la seule à être protégée publiquement par le président-politicien. Le 31 décembre 2018, il a pris sans état d’âme et publiquement, lui et son Premier ministre, la défense de Cheikh Oumar Anne dont le lourd dossier était sur la table du Procureur de la République. Dans cette défense, il est allé jusqu’à accuser l’OFNAC d’avoir outrepassé ses pouvoirs. Il est allé plus loin encore : dans son dossier, l’OFNAC recommandait que ce M. Anne « soit relevé immédiatement de ses fonctions (de directeur général du COUD) et qu’aucune autre responsabilité ne lui soit plus confiée dans l’administration ». Contre toute attente, il le bombarda Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, malgré la lourdeur de son dossier et la ferme recommandation de l’OFNAC.
Le président-politicien est allé plus loin, bien plus loin encore : les premiers dossiers de l’OFNAC mettaient en cause cinq ou six agents du Ministère des transports de l’époque. Ils ont été jugés par le Procureur de la République de Louga, l’un des rares à avoir pris ses responsabilités. Ils furent condamnés à des peines de prison ferme. Le président-politicien est allé soustraire l’un d’entre d’eux pour le nommer à des responsabilités importantes[[3]]url:#_ftn3 . Il a placé bien d’autres présumés délinquants sous son aile protectrice. Des présumés que je considère carrément comme des délinquants, car ils ne seront jamais jugés, en tout cas tant que le président-politicien est à la tête de notre pays.
Dans toutes mes interventions, orales comme écrites, je répète que dans ce pays, je crois davantage à la présomption de culpabilité qu’à celle d’innocence. Si les dizaines et dizaines de rapports et de dossiers qui dorment d’un sommeil profond sur le bureau du président-politicien et sur celui de son fidèle procureur étaient traités de façon indépendante par la justice, beaucoup de gens, tous de ses proches, iraient en prison. Pour leur éviter ce sort, il a purement et simplement mis son lourd coude sur les rapports de l’IGE, de la Cour des Comptes, de l’ARMP, tout en ayant l’œil sur les dossiers de l’OFNAC que le Procureur de la République ne s’aventurera jamais à traiter, tant que des instructions ne lui viendront pas d’en haut, notamment du Garde des sceaux, Ministre de la justice. Instructions qui ne viendront jamais de ce côté-là, en tout cas tant que le président-politicien sera à la tête de notre pauvre pays. C’est la vérité que tout le monde constate : le président-politicien protège des voleurs, en tout cas ils le sont jusqu’à preuve du contraire. Il les soustrait de la justice pour leur éviter la prison. Nous pouvons donc raisonnablement le considérer comme un recéleur, un président recéleur.
C’est déjà très pénible d’avoir à la tête de son pays un président recéleur. Ce l’est encore plus si le même président vraiment gênant entretient et nourrit au quotidien et sans état d’âme la corruption, la concussion, la fraude, les détournements de deniers publics, etc. Cet homme fait aussi de la détestable transhumance un instrument de gouvernement, exactement de sa gouvernance outrancièrement politicienne. Ce n’est pas tout : il renie l’essentiel de ses engagements et sa parole ne vaut plus un Kopeck. Pas seulement : dans tous ses actes et paroles, il piétine nos valeurs cardinales, ternit leur blason plutôt que de le redorer, comme il s’y était engagé. Il a reçu le traitre Djibril Ngom et s’est même permis, sans gêne, de se faire photographier avec lui. Il a reçu un autre individu et a diné avec lui, un vulgaire individu qui a passé des mois, voire des années à le couvrir d’injures indécentes, lui et son épouse. Des injures que peu d’entre nous sont prêts à répéter. Nous n’oublions pas l’audience qu’il a accordée à une autre vulgaire insulteuse publique, et s’est fait (encore) fièrement photographier avec elle.
C’est cet homme-là qui nous gouverne depuis le 2 avril 2012, et qui a le toupet de poser des actes pour un troisième mandat. Cet homme que les réseaux sociaux nous ont présenté dans toutes ses dimensions. Les Sénégalais le connaissent désormais très bien. Ils ont beau être ce qu’ils sont, ils feront face si ce président-politicien s’aventurait à solliciter un troisième mandat. Je ne souhaite pas à mon pays de vivre certains événements. Je crains d’ailleurs à tout moment certains face-à-face. Je les crains beaucoup avec la manifestation Yewwi Askan wi (YAW) du 17 juin que le Gouverneur de Dakar n’a aucun droit d’interdire. J’espère que, d’ici là, les autorités sénégalaises reviennent à la raison (NDLR : le préfet de Dakar a finalement interdit la manifestation mais les leaders de YAW ont aussitôt confirmé sa tenue le 17 juin 2022).
J’espère sans me faire d’illusion car, l’homme qui est à la tête de ces autorités n’a plus rien à perdre. Il sait, ou doit savoir s’il lui reste un peu de bon sens, que c’en est terminé pour lui. Malheureusement, tout indique qu’il va s’accrocher au pouvoir qui rend fou. Tant pis pour lui, si le pays doit être à feu et à sang ! Il va s’y accrocher car il a peur que son successeur ne sorte pas de son camp. Ce serait une catastrophe pour lui, pour sa famille comme pour tout ce monde qui l’entoure et qui a passé tout son temps à piller impunément nos maigres ressources. Il craint surtout comme la peste que ce successeur soit Ousmane Sonko. Et il mettra tout, tout en œuvre pour que ce ne soit jamais le cas[[4]]url:#_ftn4 . Tant pis, si tout le pays doit se transformer en cendres !
YAW et toute l’opposition, la vraie, doivent tenir compte de cette triste réalité et de ne pas toujours le suivre dans ses folies. Lui, n’a plus rien à perdre, eux ont tout à gagner.
Par Mody Niang
[[1]] Si vous me permettez l’expression.
[[2] C’est lui qui choisit qui doit aller ou non en prison.
[[3] D’abord Président du Conseil d’Administration du Fonds d’Entretien routier autonome (FERA), puis de la Société de Gestion du Patrimoine bâti de l’État (Conseil des ministres du 22 décembre 2016).
[[4]] Il faut prendre très au sérieux la menace de ce Ahmet Suzanne Camara. Des gens comme lui peuvent à tout moment agir sur instruction.