Dans cette morgue de l’hôpital Principal, j’ai d’abord eu peur de rentrer, non par crainte des cadavres, j’en ai vu à ne plus savoir les compter.
Seulement, j’avais peur de voir la couleur de ton âme. Puis cette porte s’est poussée, je t’ai aperçu et j’ai senti la peur d’avancer me quitter pour toujours. Ce visage radieux, ces lèvres pulpeuses, ces cils chérifiens sur ces yeux globuleux qu’on se targuait tous d’avoir hérité, doucement fermés comme lors d’une sieste d’après-midi d’été… Il n’y avait plus de doute, les tourments n’étaient que dans notre monde. Toi tu dormais paisiblement.
J’ai voulu te souffler à l’oreille : «Réveille-toi, tu as éteint les phares de mon monde en partant. Dehors, il fait si gris, certains visages se transforment déjà, regard noir et langue fumante, pourtant eux sont bien vivants. Le tien reste intact, imperturbable. Leurs silhouettes se trémoussent sur la même mélodie que celle des anges qui t’accompagnent dans un paradis en fête, mais le rythme est différent. Papa, pourquoi le leur ici-bas est-il si endiablé ? La valse autour de nous semble être à mille temps.»
Puis je caresse cette joue, plus remplie que d’habitude, ainsi que ce front éclatant. Et mon rythme cardiaque ralentit, je m’apaise, tu me parles enfin… Car je n’ai pas oublié cette prose, cette prière que tu m’as adressée le jour de l’anniversaire de ton idole, le Prophète (Psl). Ces phrases qui m’ont clouée au sol alors que j’ignorais qu’il s’agissait d’un au-revoir. C’était donc un au revoir… La différence entre les hommes est creusée par les prières que leur adressent leurs parents, nous disais-tu. Papa ! Mame Khalifa Niass (Rta) a dressé des parasols lumineux sur tout le chemin de ta vie, nous protégerons ce flambeau de la plus digne et de la plus religieuse des manières. Je m’envole donc l’esprit et le cœur légers comme la boite noire de ton existence.
Ô vous humains, ne fermez pas vos portes, ou alors tant pis claquez-les, l’écho résonnera tout de même bientôt dans vos oreilles, celui des prières exaucées de ce tendre père pour sa descendance.
Ta fille, ton médecin attitré
Zeïnabou NIASS SY