Les « ruptures » de médicaments constatées dans les secteurs privé et public depuis quelques temps ont fini d’installer une polémique qui n’a d’autre conséquence que de jeter le discrédit sur la chaîne de distribution au Sénégal qui n’a pour seul « tort » que celui de devoir faire face à des commandes non satisfaites sur le marché international. Inutile de chercher un « bouc émissaire » les pénuries de médicaments sont devenues depuis quelques années un phénomène mondial.
En effet, il suffit de s’y intéresser de plus près pour comprendre que la problématique de la pénurie des médicaments est une préoccupation majeure des acteurs de la santé du monde entier. Déjà en mai 2017, la 70ème Assemblée mondiale de L’OMS tirait la sonnette d’alarme dans son rapport intitulé « lutter contre les pénuries de médicaments et de vaccins et en favoriser l’accès ».
Selon les entreprises du médicament (Leem) la fédération des industriels du secteur , les anti- infectieux ( comme les vaccins) les médicaments du système nerveux ( antiépileptiques, anti Parkinsoniens) et les anticancéreux ( chimiothérapie) sont les trois classes les plus touchées . Elles constituaient en 2018 plus de la moitié des pénuries. Par ailleurs, en raison de la complexité de leur processus de fabrication, les spécialités injectables seraient les plus vulnérables au risque de pénurie.
Selon une étude récente publiée par la newsletter APSF ( Anesthésia patient safety fondation ) la majorité des pénuries concerne les médicaments génériques injectables utilisés dans les hôpitaux en particulier dans les blocs opératoires notamment pour les soins d’urgence et en anesthésie . Ceci parce que tout simplement, le nombre de fabricants pharmaceutiques impliqués dans la plus part des productions de médicaments injectables est limité. Seulement un à deux fabricants produisent la grande majorité des médicaments injectables. Au cours des six dernières années, des problèmes de qualité survenant dans le processus de fabrication ont été responsables de la plupart des pénuries. Le Government Accounting Office ( GAO) a signalé que 46 à 55 % des pénuries d’anti-infectueux et de médicaments cardiovasculaires injectables stériles entre 2012 et 2014 provenaient d’usines qui avaient reçu un avertissement de la FDA pour non respect des normes de fabrication. L’imprévisibilité des livraisons apporte une difficulté supplémentairer à la gestion des pénuries des médicaments.
A l’occasion de la conférence annuelle 2018 de l’American Médical Association (AMA) un nouveau libellé a été ajouté à la politique déclarant que les pénuries de médicaments sont désormais un problème urgent de santé publique. A la suite de quoi, l’AMA a demandé au Département américain de la santé et à celui de la sécurité intérieure de considérer les usines vitales de fabrication comme des infrastructures critiques ! A côté des incidents sur la chaîne de production, l’éclatement de la chaîne de production n’arrange pas les choses: la recherche- développement se fait à un endroit, les différentes phases de la production dans des endroits différents. A cela s’ajoute la hausse de la demande mondiale,le manque de matières premières, la concentration de la production entre un nombre restreint d’acteurs, les choix économiques qui amènent certains laboratoires à privilégier la rentabilité sur la santé publique. Bref! Tout le monde ne joue pas le jeu particulièrement les nombreux intermédiaires pour qui la logique financière prime sur tout.
En résumé, entre les problèmes de capacité de production, de qualité et de fabrication du produit fini, les pénuries s’installent et les pays les plus gros importateurs dont ceux du continent africain payent le plus lourd tribut face à l’instabilité et aux caprices du marché pharmaceutique mondial.
Chers amis, l’heure n’est plus aux lamentations mais à l’action! les besoins sont trop importants pour que nous continuons à subir le dictat des firmes pharmaceutiques qui font leur « beurre » sur le marché africain de plus en plus florissant. La promotion de l’industrie pharmaceutique locale voir régionale est une priorité à laquelle tout le monde doit s’atteler.
Aussi, au regard de ce qui précède, la nouvelle année qui s’annonce est pour moi l’occasion de lancer un appel à tous les opérateurs économiques, modèles de parfaite réussite et qui font la fierté de notre pays , à se tourner vers le secteur de l’industrie pharmaceutique et à impulser son dynamisme.
Marchons ensemble pour le renforcement du capital !!!!
Dr Annette Seck Ndiaye