Pourquoi la curiosité est l’ingrédient le plus important dans un couple

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On s’aime et puis on change, et les turbulences font leur apparition.  Robert Neuburger, auteur du best-seller “On arrête ?… on continue ?” (Payot) nous invite à questionner régulièrement notre relation. Y compris lorsque tout va bien.

Psychologies : Pourquoi préconisez-vous aux couples de faire le point de temps à autre ?

Robert Neuburger : Lorsque je les rencontre dans un cadre thérapeutique, je constate que, souvent, les problèmes viennent de ce que l’un ou l’autre partenaire, voire les deux, continuent d’avoir un comportement identique par rapport au couple alors qu’ils ont eux-mêmes changé. Il est évident que l’on n’attend pas la même chose du couple à 20 ans, 30 ans, 40 ans… Les évolutions personnelles, mais également contextuelles (les enfants, le travail…) entraînent des crises, au sens positif du terme : le passé est révolu, le futur pas encore né, ce qui fonctionnait au début n’est probablement pas ce qui fonctionnera après. La relation doit changer. Dans quel sens ? À eux d’en décider, mon livre sur le bilan de couple ne le dit pas. Ce n’est pas un manuel qui dit ce que devrait être le couple. Je l’ai davantage conçu comme un outil pour en examiner les rouages à un instant T, observer ce qui va bien, ce qui va moins bien, ce qui peut évoluer.

Vous dites de votre ouvrage qu’il est surtout un moyen pour communiquer mieux…

Robert Neuburger : Oui, parce que, dans les moments de crise, les partenaires s’accordent rarement sur la définition du problème. Ils ont du mal à en saisir les causes, en rejettent fréquemment la faute sur l’autre et n’arrivent pas à en parler sans partir dans des querelles interminables. En séance, beaucoup me disent : « On se dispute pour des queues de cerise. » Car ce qu’ils se reprochent n’a souvent rien à voir avec leurs difficultés réelles. D’où l’importance d’explorer la relation sous des angles variés que l’on néglige ou dont on ignore parfois l’importance.

Quels sont ces angles négligés ?

Robert Neuburger : Pour beaucoup, le couple est avant tout une relation entre deux êtres, un ensemble d’émotions qui nous donnent le sentiment d’exister dans le regard de l’autre. Mais il n’y a pas que cela. C’est aussi une entité que l’on construit ensemble, une institution que j’ai appelée la « maison-couple », fondée sur des valeurs d’entraide, de solidarité, de loyauté. Une enveloppe qui nourrit un besoin fondamental d’appartenance. On a tendance à croire, dans les moments de crise, que c’est l’autre qui ne nous convient plus, que c’est lui qui doit changer. En réalité, ce sont les fondements de la maison-couple qu’il faut réexaminer.

Concrètement, comment utiliser votre livre ?

Robert Neuburger : On peut le lire chacun de son côté, souligner des passages, prendre des notes et se les montrer. On peut se donner des rendez-vous réguliers pour examiner un chapitre après l’autre… Chacun fait comme il veut. Je recommande de parcourir ce bilan tous les trois ans. Pas mal de choses évoluent dans ce laps de temps et nécessitent de procéder à des remaniements, avant que les déceptions et les malentendus s’installent.

Lorsque, en 2010, nous avions adapté votre « bilan de couple » [Psychologies n° 293], des lecteurs nous avaient interrogés : et maintenant, on fait quoi ? On arrête ou on continue ?

Robert Neuburger : Cette décision leur appartient. Il y a, à mon sens, deux manières d’accompagner les couples. Les thérapies qui visent à les mener quelque part : le psy a son idée de ce que devrait être la relation et pousse les partenaires dans une certaine direction. Et puis les thérapies qui s’intéressent davantage à leurs capacités créatives et cherchent à comprendre pourquoi elles sont en panne. C’est plutôt comme cela que je conçois mon travail. Bien souvent, j’ai affaire à des couples qui, par le passé, ont su résoudre des problèmes plus difficiles que celui qui les conduit à consulter. Mais là, ils achoppent. L’aide d’un thérapeute peut être utile pour explorer ce qui les a conduits dans une impasse, ce qui les a blessés, figés, et leur permettre de trouver comment ils pourraient faire autrement.

Pourquoi est-ce devenu si difficile de rester en couple ?

Robert Neuburger : Quand j’étais jeune, dans les années 1970, le mythe du couple, c’était la liberté. On n’était pas propriétaire de l’autre, il y avait même une liberté sexuelle implicite, pas dans tous les couples ni dans tous les milieux, mais c’était tout de même l’esprit qui régnait. Actuellement, avec la précarité, les inquiétudes soulevées par l’époque, le couple est devenu un refuge dont on attend énormément, et surtout qu’il nous apporte la sécurité – d’où l’importance prise par la fidélité. C’est sans doute trop lui demander. De là découlent des fonctionnements qui laissent beaucoup moins de liberté aux partenaires et entraînent des séparations trop hâtives, pour des incartades. Or, bien souvent, celles-ci ne remettent pas le couple en question, mais signalent un besoin de changement. Je suis hérissé que l’on banalise à ce point les séparations en minimisant les souffrances qu’entraîne la perte d’appartenance, et en évacuant tout ce que l’on pourrait mettre en œuvre pour faire évoluer le couple.

Pour aller plus loin

« On arrête ?…On continue ? » Faire son bilan de couple de Robert Neuburger Ce best-seller en est à sa quatrième édition et s’est vendu à près de quarante mille exemplaires. Un signe, peut-être, du désarroi grandissant des couples, en tout cas de l’utilité, pour eux, d’un tel outil. Ce bilan propose quelque deux cent cinquante questions pour explorer sa relation sous tous les angles (sexualité, finances, partage des tâches, projets) et sa capacité d’évoluer. À utiliser régulièrement (Payot, 176 p., 12 €).

Existe-t-il des recettes pour durer à deux ?

Robert Neuburger : Chaque couple a son écologie singulière, c’est pourquoi il ne peut y avoir de recettes universelles. Je reçois souvent des gens qui pensent qu’ils n’ont pas le choix : c’est « ou bien, ou bien », ou bien partir ou bien rester. Mon travail est de les aider à enrichir les possibles en comprenant mieux de quoi il retourne pour leur histoire en particulier. Personnaliser le diagnostic ouvre des pistes d’amélioration nouvelles. C’est un classique en thérapie : s’apercevoir que ce qui, à ses débuts, faisait la qualité du couple est devenu son principal problème. C’est alors que la crise éclate. Exemple : vous avez épousé un garçon merveilleux, un peu poète, pas très intéressé par les choses pratiques… Au bout de quelques années avec des enfants, vous trouvez ça nettement moins attrayant. C’est souvent autour de ça que l’on peut travailler : la qualité qui est devenue un problème. À mon sens, l’ingrédient le plus important dans une relation – et son meilleur outil pour évoluer –, c’est la curiosité. Curiosité pour l’autre, curiosité pour la merveilleuse et complexe institution qu’est le couple. Curiosité pour ce qu’elle pourrait devenir.

Votre couple va-il durer ?

Où en êtes-vous exactement dans votre relation de couple ? Est-elle stable et solide ? Ou fragile et menacée ? Il est recommandé de faire le test à tour de rôle et, bien sûr, de comparer le type de couple auquel chacun appartient. Les résultats, différenciés ou communs, entraînent une discussion entre les partenaires, ce qui est le but avoué du test.

 

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