C’est un fait : la grande Muette brise, petit à petit, les murs du silence. Il est devenu fréquent de voir ce qui, il y a quelques années encore, était impensable. Des militaires à la retraite s’engagent dans la politique ou dans la société civile et, parfois, font des sorties fracassantes qui peuvent secouer la République.
Le dernier cas en date est celui du colonel Abdourahim Kébé. Ce dernier, après les premières tendances des résultats de l’élection présidentielle du 24 février dernier favorables à Macky Sall, avait fait un post sur Facebook pour appeler à la révolte. Il a été arrêté, placé sous le régime de garde à vue avant d’être déféré devant le Procureur qui, après l’avoir interrogé au fond, l’a placé sous contrôle judiciaire. Dans la foulée, le ministre des Forces armées a sorti un communiqué pour mettre en garde ces militaires à la retraite qui, selon lui, interviennent dans la presse et sur les réseaux sociaux pour exprimer des opinions. Ce, en violation flagrante de la loi 2008-28 du 28 juillet 2008.
Selon cette loi, les officiers à la retraite restent assujetties aux obligations militaires jusqu’à l’âge de 65 ans. Il y a également la loi 71-024 qui renvoie aux obligations des militaires. Cette dernière indique que les militaires sont électeurs mais ne sont pas éligibles. Ils ne peuvent pas se marier sans autorisation. Ils ne peuvent pas militer dans une association sauf à caractère social ou culturel. Et dans ce cadre-là, l’officier ne peut pas être membre du bureau. En outre, leurs libertés d’expression, d’association, de réunion et de déplacement sont réglées en fonction des nécessités de la défense. Même pour écrire un livre, l’officier de l’armée est soumis à l’autorisation du commandement. A moins que cela soit un livre technique ou scientifique. Ainsi, l’obligation d’assujettissement est levée à plus de 65 ans.
Le code de justice militaire prévoit des sanctions en cas de violation de ces règles. Le militaire qui enfreint ces règles peut être poursuivi pour haute trahison.
En effet, il convient de rappeler que dans le passé, les militaires avaient le droit, après la retraite, de faire de la politique. A titre d’exemple, on peut citer le défunt général Joseph Louis Tavares de Souza, chef d’Etat-major général de l’armée (Cemga) qui, après sa retraite, a milité au Parti démocratique sénégalais/Rénovation (PDS/R) dont le leader était Serigne Diop, universitaire et ancien ministre. L’ex Cemga était même devenu député. C’est sous le règne de l’ancien président de la République Me Abdoulaye Wade que la loi interdisant aux anciens militaires de faire des sorties publiques ou de militer dans un parti politique a été votée. C’était en 2008.
Lors des Assises nationales organisées à cette même année, deux anciens CEMGA avaient pris part aux travaux. Il s’agit notamment des généraux Mamadou Mansour Seck et de Mamadou Keita. Selon nos informations, les renseignements généraux avaient fait savoir à Abdoulaye Wade que c’était extrêmement grave que deux anciens CEMGA participent avec l’opposition à ces assises. C’est sur ces entrefaites que le président de la République avait sorti cette loi interdisant aux officiers de faire de la politique jusqu’à l’âge de 65 ans. L’évolution de la sphère politique ces dernières années a pourtant banalisé l’engagement d’anciens militaires malgré les restrictions de la loi. Jusqu’à la sortie du colonel Kébé ?