Le leader du parti Rewmi, Idrissa Seck est le seul candidat de l’opposition retenu par le Conseil constitutionnel pour les échéances de 2019 à avoir déjà participé à une élection présidentielle.
L’homme peut, à première vue, ne pas payer de mine. Mais, détrompez-vous ! Car, on ne le surnomme pas « Ndamal Kajoor » pour rien. Haut comme trois pommes, trapu, il hausse rarement la voix. Sa pensée fascine. Ses paroles excitent les foules. Ses faits et gestes suscitent moult réactions.
Réputé fin stratège
La dernière fois qu’il a fait parler de lui ? C’était le 21 janvier dernier, au siège du parti Bokk Gis Gis de Pape Diop, lors du point de presse du C25. La salle était trop étroite pour contenir les leaders de l’opposition. De vives discussions s’en sont suivies pour occuper une place au premier rang. Le président de Rewmi, qui était pourtant le seul candidat présent retenu pour la présidentielle par le Conseil constitutionnel, cède sa place au porte-parole du jour, pour se mettre derrière. Un acte de grandeur qui lui a valu une « standing ovation » de la part des militants présents. Yankhoba Diattara, le chargé de la vie politique de Rewmi, explique l’attitude de son président : « C’est quelqu’un qui met l’être humain au cœur de son action. Il nous dit toujours que l’engagement d’un leader, c’est être au service de sa communauté ». Geste naturel ou stratégie de communication ? En tout cas, l’ancien Premier ministre de Wade est réputé être un fin stratège. Son vécu et son expérience font de lui le principal challenger de Macky Sall à la présidentielle. En effet, Idrissa Seck est le seul, parmi les candidats de l’opposition retenus par le Conseil constitutionnel pour le scrutin du 24 février, à avoir déjà pris part à une présidentielle. Avec Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste (Ps), Moustapha Niasse de l’Alliance des forces de progrès (Afp), Cheikh Bamba Dièye du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël (Fsd/Bj), entre autres, il s’était opposé à Wade en 2007 et 2012.
« Devenir ministre ou Président »
Aujourd’hui, si certains qui ont une expérience en matière d’élection sont recalés par le parrainage, d’autres n’ont pas présenté leur candidature ou ont préféré se ranger derrière Macky Sall de l’Alliance pour la République (Apr) et de la coalition Benno Bokk Yakaar (Bby).
Militant de la première heure du Parti démocratique sénégalais (Pds), le jeune Idrissa Seck a rejoint cette formation politique en 1974, à l’âge de 15 ans. C’est le début d’une riche carrière pour ce natif, le 9 août 1959, de la Cité du rail.
Ramatoulaye Ndiaye, dite « Mère Rama », militante de Rewmi à Liberté 2, a connu Idy très jeune. Elle rappelle l’enfance de l’ancien maire de Thiès. « Il est un neveu à mon époux, mais nos relations ont débuté quand il est venu à Dakar, après son Bfem, chez mon mari Abdoulaye Dieng. Déjà, il disait, à l’époque, au chauffeur de le faire descendre près des marches de l’escalier, parce qu’il allait devenir ministre ou Président. Il n’avait d’autre occupation que les études et s’est préparé aux postes de responsabilités », se souvient-elle.
De la base au sommet, il gravit les échelons au Pds et se voit confier le poste de directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade, lors de l’élection de 1988. Abdou Diouf sort vainqueur de cette élection, au premier tour. Mais, les résultats sont contestés. Idy et d’autres membres de l’opposition sont arrêtés et envoyés en prison. En mars 1995, il entre dans le gouvernement de majorité présidentielle élargie en qualité de ministre du Commerce et de l’Industrie. Il quitte le gouvernement en 1998. En 2000, il initie la « Marche bleue » qui mène son candidat, Me Abdoulaye Wade, le 19 mars au palais.
Victime de son « orgueil » ?
D’abord directeur de cabinet du Président Wade, dont il se définissait alors comme le jardinier des rêves, il migra, pour le paraphraser, vers la station primatoriale en 2002. « Il connaît ma pensée. Je n’ai pas besoin de fournir de grandes explications pour qu’il comprenne ce que je veux dire. Je lui fais confiance, c’est mon fils », disait de lui l’ancien chef de l’État.
Mais, les relations entre Idy et son mentor finissent par se dégrader. Le « fils d’emprunt » est accusé, au nom d’une dualité réelle ou supposée, de vouloir écarter « le père ». L’ancien maire de Thiès est limogé le 21 avril 2004 et remplacé par un certain Macky Sall.
À ce propos, certains analystes persistent à croire qu’il est victime de « son caractère orgueilleux ». Ce que réfute Yankhoba Diattara. Et de botter en touche : « C’est son niveau d’instruction, son éducation, son parcours et les enseignements religieux qui sont à l’origine de tout cela. Il a un parcours qui pourrait, en principe, lui permettre d’asseoir un projet politique pas difficile à comprendre ».
Son vice-président au Conseil départemental de Thiès de souligner : « Le patriotisme et l’engagement d’Idrissa Seck pour le pays sont sans limites. Nous sommes convaincus qu’il présente le meilleur profil pour gérer ce pays ».
Ancien garde du corps du candidat de la coalition Idy 2019, Vieux Sandjiry Diop abonde dans le même sens. « Quand je l’ai rencontré, on a échangé et je lui ai fait une proposition. Une chose m’a frappé lors de cette entrevue : il m’a fait savoir qu’il fallait d’abord qu’il s’en ouvrît à Me Wade. Ce qu’il fit. Pour dire qu’il est quelqu’un de responsable et qui a du respect pour l’autorité », disait-il.
« Bakka et Makka »
Considéré comme le leader de l’opposition, il y a quelque temps, Idrissa Seck multipliait les attaques incendiaires contre Macky Sall. De spectaculaires sorties médiatiques qui ont fini par se retourner contre lui, notamment avec l’affaire dite « Makka et Bakka ». S’ensuivit une réprobation quasi-générale. À tel point que certains « extrémistes » remettaient même en cause sa foi musulmane.
Une conclusion, à la limite hâtive, que Thierno Bocoum balaie d’un revers de la main. « C’est quelqu’un qui aime le Coran, respecte les préceptes de l’Islam et adore le Prophète Mouhamed (Psl). C’est un témoignage d’un musulman envers un autre musulman », disait son ex-collaborateur qui venait, pourtant, de quitter le parti Rewmi.
Des qualités que lui reconnaissent, dans un entretien avec Seneweb, son ancien garde du corps. « Idrissa Seck nous renvoie toujours au Coran. Nous avons passé 13 ans ensemble. Il vit et croit foncièrement au Coran qu’il cite dans ses discours. La dernière fois qu’on était en Allemagne, je le cherchais à un moment donné, mais je l’ai trouvé, retranché dans un coin, en train de prier », témoigne Vieux Sandjiry Diop.