Qui est Abdelmadjid Tebboune élu nouveau président de l’Algérie ?

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Ephémère premier ministre sous Bouteflika, ce représentant de la vieille bureaucratie d’Etat avait tenté de s’attaquer à certains oligarques au sein du régime.

Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, a été élu président dès le premier tour de l’élection du jeudi 12 décembre en Algérie avec 58,15 % des suffrages, selon les résultats préliminaires annoncés vendredi par Mohamed Charfi, le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE).

Des cinq candidats en lice, tous nés dans la maison du régime, il passait pour le plus proche de l’homme fort du pays, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah. Il était également l’un des plus proches du président déchu Abdelaziz Bouteflika, qui l’avait fait premier ministre, le 25 mai 2017, dans un contexte déjà marqué par la baisse drastique des recettes pétrolières et une montée en puissance des oligarques fédérés au sein du Forum des chefs d’entreprises (FCE, principale organisation patronale), que dirigeait l’homme d’affaires Ali Haddad, aujourd’hui en prison.

M. Tebboune aura été le premier ministre à la longévité la plus courte de l’histoire du pays : deux mois et vingt-et-un jours. Le limogeage de ce fidèle d’Abdelaziz Bouteflika qui suivait de manière quasi quotidienne la réalisation de la très controversée grande mosquée d’Alger (confiée à une entreprise chinoise) est l’œuvre de Saïd Bouteflika, le frère du président. Ce dernier était devenu un régent de fait depuis 2013 et l’accident vasculaire cérébral du chef de l’Etat, pratiquement inapte à exercer ses fonctions. L’exaspération des Algériens face à la situation humiliante de devoir subir un président impotent était aggravée par une gestion gouvernementale incohérente et déliquescente.

Se prévalant de la confiance du président – a posteriori, certains affirment qu’il avait été encouragé par Ahmed Gaïd Salah –, le nouveau premier ministre avait décidé de limiter drastiquement les importations (plus de 40 milliards de dollars par an) pour faire face à la chute des recettes pétrogazières qui grève les ressources du pays. Il voulait s’attaquer aux nouveaux oligarques qui bénéficient de très importants prêts bancaires dont les remboursements sont insignifiants. Il pointait, en se prévalant de directives du président Bouteflika, le poids grandissant de ces hommes au sein du régime, déclarant vouloir « séparer l’argent de la politique ».

Humiliation publique

Abdelmadjid Tebboune, diplômé de l’Ecole nationale d’administration en 1969, plusieurs fois wali (préfet) et ministre, incarne un peu la vieille bureaucratie d’Etat dont le poids s’est affaibli face à la montée d’un capitalisme algérien très particulier. Ses représentants, fédérés au sein du FCE, dirigé par Ali Haddad, proche de Saïd Bouteflika, empiétaient ouvertement sur le terrain habituel de la technocratie d’Etat. A tel point qu’en décembre 2016, les ministres avaient décidé de boycotter un « forum algéro-africain de l’investissement » préparé par le gouvernement et qu’Ali Haddad s’était approprié de fait. L’affaire avait fait scandale et révélé l’ampleur de la déliquescence de la gouvernance du pays.

Nommé premier ministre, Tebboune dût d’emblée s’attaquer à ce représentant des nouvelles forces de l’argent. Le 15 juillet 2017, il fit savoir à M. Haddad qu’il ne voulait pas de lui à une cérémonie organisée par le ministère du travail. Mieux, quelques jours plus tard, il fit adresser des mises en demeure à son entreprise (ETRHB, numéro 1 du BTP dans le privé) au sujet des retards d’exécution d’une multitude de projets.

La réponse arriva vite. Le 30 juillet, les Algériens assistèrent médusés à l’humiliation publique d’Abdelmadjid Tebboune par Saïd Bouteflika, au cimetière d’El Alia, à l’occasion de l’enterrement de l’ancien chef de gouvernement Redha Malek. Des images éloquentes furent diffusées : Saïd Bouteflika, avec Ali Haddad à ses côtés, ignorant ostensiblement le premier ministre. Les caméras, autorisées à s’approcher, montrèrent ensuite Saïd Bouteflika insistant pour emmener Ali Haddad dans sa propre voiture. La scène fut diffusée dans les journaux télévisés du soir. Les Algériens comprirent le message : le « régent » désavouait Tebboune et sa prétention à agir au nom du président. Le 15 août 2017, la disgrâce fut actée : le premier ministre était limogé et remplacé par Ahmed Ouyahia.

Pas épargné par les affaires

Abdelmadjid Tebboune y gagna une petite popularité de chasseur d’oligarques – que beaucoup jugent excessive. D’autant qu’après son limogeage, il s’est livré à une vibrante déclaration de loyauté à Abdelaziz Bouteflika en l’assurant de son soutien pour un cinquième mandat.

Lui-même n’est pas épargné par les affaires. Son fils, Khaled, est en détention provisoire, soupçonné de blanchiment d’argent, dans le cadre l’affaire Kamel Chikhi, dit El Bouchi. Le nom de ce dernier est associé à une saisie record de cocaïne (701 kg) opérée par les services de l’armée au port d’Oran en mai 2018. L’affaire a déclenché des arrestations en cascade au sein de la haute hiérarchie de l’armée. Plus récemment, au beau milieu de la campagne électorale, l’arrestation d’un des proches de Tebboune, l’homme d’affaires Omar Alilat, placé en mandat de dépôt pour corruption, a un peu plus écorné cette image de pourfendeur de l’argent sale qu’il a essayé de se construire.

 

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