Lors du discours à la nation du 23 mars 2020, le Chef de l’Etat a pris la décision de créer un fonds de riposte et de solidarité, le FORCE-COVID-19 qui sera doté de 1000 Milliards FCfa pour contrer les effets du Covid-19 sur l’économie nationale. Il est prévu une remise partielle de la dette fiscale constatée au 31 décembre 2019 due par les entreprises et les particuliers pour une enveloppe globale de 200 milliards. Maître Maname Fall, expert fiscal et conseil Juridique livre, pour Seneweb, des éclairages sur la remise fiscale en période de Covid-19.
1/ En droit commun de la fiscalité
La remise fiscale est consacrée par l’article 706 : « Le contribuable, en situation économique ou financière difficile, qui reconnait le bien-fondé d’une imposition établie à son nom, peut introduire une demande de remise ou de modération de sa dette fiscale».
Par dettes fiscales, dans notre contexte, exclure celles à constater au niveau des états financiers des entreprises. Pour l’essentiel ces comptes ne sont pas encore arrêtés ni approuvés et leur dépôt légal expire le 30 avril 2020.
Sauf précision du ministère des Finances, les dettes visées par la remise englobent, entre autres, les droits simples, pénalités, amendes et intérêts de retard constatés à la suite d’un contrôle fiscal achevé au 31/12/2019, celles issues des déclarations en impayé ou d’une reconnaissance formelle du contribuable, les montants des moratoires non encore soldés, les dettes dues au Trésor Public, celles dues à l’administration douanière, celles issues d’une décision de justice devenue définitive.
2/La remise fiscale en raison de la situation exceptionnelle
A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. C’est dans ce contexte qu’il faudrait placer la remise fiscale annoncée, le Président va même utiliser l’art 77 de la Constitution afin d’intervenir rapidement et de façon plus efficace dans le domaine fiscal et sûrement dans d’autres domaines de la compétence exclusive de l’Assemblée Nationale.
En effet, une application stricte des dispositions de l’article 706 aurait nécessité une lourdeur : demande faite au Ministre avec justificatifs, effort fiscal sur la dette (somme minimum à payer pouvant aller jusqu’à 20% de la dette), exclusion des demandes portant sur des impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus (TVA, IR …). Qui plus est, l’arrêté n°25903 du 26/11/18 portant application de l’article 706 corse les conditions d’instruction.
Le Ministère des Finances aura donc la lourde charge de déterminer des critères de détermination des contribuables éligibles et les montants à effacer.
3/ Est-ce que la remise fiscale soulage les entreprises concernées en période de Covid-19 ?
La remise est toujours bonne à prendre car cet argent pourrait servir à payer par exemple les salaires pour l’achat des produits de subsistance. Mais il faut remarquer qu’une remise fiscale n’est pas accompagnée d’un chèque.
Ce qui soulagerait davantage les entreprises serait le paiement des montants dus par l’Etat : il en est ainsi des demandes de restitutions de crédit de TVA (restituer d’abord quitte à faire un contrôle a postériori et rembourser par chèque et non par certificats de détaxe) ; rembourser les crédits d’impôt résultant d’un surplus de versement…
Enfin, prendre d’autres mesures d’accompagnement si la situation du Covid-19 l’exige, notamment: i) un report de la date limite de déclaration et de paiement de certains impôts, exemple impôt sur les résultats, ii), la suspension des contrôles fiscaux en cours ; iii) la suspension générale des poursuites en matière de recouvrement (contraintes, ATD …) ou, à tout le moins vis-à-vis des secteurs les plus impactés …
Toutefois, même dans l’hypothèse où ces mesures d’accompagnement sont généralisées, les entreprises qui le pourront, devraient être invitées à déclarer et à payer les sommes dues au Trésor dans les délais afin de soulager aussi l’effort des pouvoirs Publics.
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