Sahel : Comment la France a neutralisé Adnan Abou Walid al-Sahraoui.

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Après l’émir d’Al Qaida au Maghreb Islamique en 2020, la France vient d’enregistrer une nouvelle victoire au Sahel. C’est tard dans la nuit du 15 au 16 septembre qu’Emmanuel Macron a annoncé à travers un tweet, la mort du chef djihadiste Lahbib Ould Ali Ould Said Ould Joumani alias Adnan Abou Walid al-Sahraoui.
Jusqu’à son élimination, il occupait la tête de la branche sahélienne de l’EI plus connue sous l’appellation l’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS).

Le président français n’a pas donné de détails au sujet des circonstances de la neutralisation de ce cadre djihadiste. C’est la ministre des Armées, accompagnée du directeur de la sécurité extérieure et du chef d’État-major des armées qui s’en sont chargés le lendemain. « Il a succombé à ses blessures provoquées par des frappes de l’opération Barkhane en août 2011 », précise Florence Parly lors de cette conférence de presse.

« Grâce à une manœuvre de renseignement de longue haleine et grâce à plusieurs opérations de capture de combattants proches d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui, la force Barkhane avait réussi à identifier plusieurs milieux d’intérêt où ce dernier était susceptible de se terrer. À la mi-août, nous avons pris la décision de lancer une opération visant ces lieux. C’est dans ce cadre que des opérations aériennes ont été conduites et que l’une d’elles a atteint sa cible », se réjouit la ministre des Armées.

Comment la France a tué Adnan Abou Walid as-Sahraoui

« Du 17 au 22 août, la force Barkhane, en coordination et en partenariat avec les forces armées maliennes, a conduit une opération de reconnaissance et de harcèlement contre un groupe de l’EIGS dans le Liptako-malien, au sud d’Indelimane, plus précisément dans la forêt de Dangarous. Cette opération s’inscrit dans un cadre plus large qui vise à stabiliser la situation sécuritaire du Gourma et du Liptako en partenariat étroit avec les forces maliennes, nigériennes et la force conjointe du G5 Sahel, de Takuba et avec l’appui de nos alliés américains dont il faut saluer l’engagement (…) c’est donc au cours de cette opération que la force Barkhane a neutralisé Adnan Abou Walid al-Sahraoui », élucide le chef d’État-major des armées Thierry Burkhard.

Selon le CEMA français, l’opération a mobilisé l’ensemble des composantes de la force Barkhane (aérienne et terrestre). « Elle a articulé son déroulement autour de deux phases. Tout d’abord une phase préparatoire essentiellement centrée sur des actions de recueil de l’information pour préparer l’action principale suivie d’une phase d’engagement à terre dans la forêt de Dangarous. La phase initiale était conduite entre le 17 et le 20 août et visait à préciser des informations qu’on avait obtenues suite à la capture de deux membres de l’EIGS réalisée le 14 juillet.

Au cours de cette phase de renseignement, une frappe réalisée par un drone le 17 août a permis de neutraliser deux membres de l’EIGS qui circulaient sur une moto. S’en est suivie la phase d’engagement du 20 au 22 août, avec la mise en place par héliportage d’un groupe commando d’une vingtaine de soldats qui avaient pour mission de reconnaître et de fouiller l’ensemble de la zone. Il était appuyé par des frappes réalisées par des drones et des mirages 2000 D sur différents objectifs occupés par des membres de l’EIGS », détaille le Général Burkhard qui présume que le chef djihadiste était l’un des passagers de la moto visée le 17 août par une frappe Ripear.

À son tour, le Directeur de la sécurité extérieure, Bernard, rappelle que la mort du djhadiste intervient « après une série d’opérations ayant ciblé depuis le printemps 2020, après le sommet de Pau (sud de la France), le commandement de l’Eigs ».

En effet, la filiale sahélienne a enregistré beaucoup de revers face aux forces armées françaises épaulées par les armes locales du Mali et du Niger. À ce titre, des cadres du groupe ont été neutralisés ou mis aux arrêts. Le 11 juin dernier, Dadi Ould Chouaib a été capturé dans le sud de Ménaka par les français qui mettront hors d’état de nuire Al Mahmoud Ag Baye dit Ikeray quelques jours plus tard. La mort des suites d’une maladie d’Abdel Hakim as Sahraoui vient s’ajouter à la série noire qui s’est poursuivie avec celle du cadi du groupe Abou Abderahmane al Sahraoui. Il était considéré comme le numéro 3.

Décapitation de l’EIGS

La décapitation du groupe s’inscrit dans la logique du sommet de Pau tenu en janvier 2020 sur l’initiative de la France. Après plusieurs attaques dans la zone des trois frontières contre les armées nigérienne, burkinabé et malienne, l’heure était à la réorganisation ou à l’ajustement pour arrêter l’hémorragie. C’est ainsi qu’il a été décidé de concentrer tous les efforts contre un ennemi : l’État Islamique au Grand Sahara.

L’année 2020 a été d’autant plus difficile pour Adnan Abou Walid al-Sahraoui et ses sbires qu’ils étaient, en plus de faire face à Barkhane et alliés, en conflit ouvert avec le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM). L’effort de guerre s’est d’ailleurs effiloché entre février et juin 2020 pour reprendre l’ascenseur à partir de novembre de la même année contre le GSIM, livre le directeur de JihadAnalytics.
Grâce à un suivi effectué des revendications faites par l’État Islamique islamique à travers l’hebdomadaire « Al Naba », 169 attaques sont recensées du 1er juin 2017 au 13 juin 2021. Le 15 mars, un poste de sécurité est ciblé à Tessit, dans le sud-ouest de Tessit.

Plus de 30 soldats maliens tombent sous les balles des assaillants. D’avril à juin, le nombre d’attaques s’est intensifié. Dans la nuit du 11 au 12 juin, la résidence du président de l’Assemblée nationale à Niamey est attaquée par des individus venus à moto. Le 13 juin, l’État Islamique s’octroie la responsabilité de cette action commentée par beaucoup de spécialistes comme une tentative de sa représentation au Sahel de démontrer sa capacité de se déployer dans les zones urbaines. Depuis cette date, plus de revendication officielle d’une attaque dans toute la région sahélienne de l’État islamique. Ce qui semble démontrer une certaine léthargie du groupe qui s’est tout de même signalé dans le centre du Mali en août, en tuant un cadre du GSIM.

Fin de l’EIGS ?

Les autorités françaises et leurs alliés de la région espèrent que l’EIGS ne se relèvera pas de ce coma après la mort de son chef. «Elle porte un coup décisif au commandement de Daesh au Sahel, mais aussi à sa cohésion car l’EIGS aura des difficultés à remplacer son émir par une figure qui dispose de la même envergure », souhaite Florence Parly qui a présenté Adnan Abou Walid al-Sahraoui comme une « figure historique du jihad au Sahel et un émir autoritaire qui prenait toutes les décisions ».

Mais, la prudence recommande d’avoir le triomphe modeste si on sait que les groupes djihadistes ressemblent à une hydre. « Quand on évoque ces actions coup de poing visant à éliminer les chefs des organisations djihadistes, nous entendons souvent parler de l’hydre du terrorisme. L’hydre de Lerne succomba aux flèches empoisonnées de son propre sang », répond Florence Parly, décidée à enterrer l’EIGS avec son émir. Pour autant, elle n’écarte pas la possibilité de voir le groupe s’organiser autour de ses cadres issus des ethnies locales de la région des trois frontières.

Pour ce faire, le groupe peut observer une pause comme il peut s’engager dans une dynamique de représailles qui risquent de faire subir aux populations civiles les conséquences de ce coup de haute portée contre son émir.

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