« Après plusieurs échanges avec l’opérateur téléphonique, un accord nous permettant de vendre du crédit directement ou par l’intermédiaire d’un grossiste agréé n’a toujours pas été conclu », a ainsi confirmé Wave dans un communiqué publié le 5 juin, annonçant aussi que l’Autorité de régulation des télécoms et des postes (ARTP) a été saisie pour « qu’une décision équitable puisse être prise ».
« Wave a dû demander de pouvoir avoir la même commission que le circuit normal de distribution d’Orange et ce dernier a refusé », analyse un bon connaisseur des télécoms sénégalaises.
Créé en 2011 par Drew Durbin et Lincoln Quirk, deux Américains installés à New York, et enregistré en 2016 à Dakar, Wave applique des frais fixes de transaction à hauteur de 1 % entre particuliers et épargne à ses utilisateurs des frais supplémentaires sur les paiements de factures en les reportant sur les entreprises – au contraire de son concurrent qui fait payer cette charge à ses clients.
Avec ce modèle, la start-up dirigée à Dakar par Coura Sène – une ancienne d’InTouch – a convaincu d’importants investisseurs d’entrer à son capital. Le français Partech et le prestigieux incubateur américain Y Combinator font ainsi partie de son tour de table, tout comme Founders Fund et Serena Ventures, deux sociétés californiennes de capital-risque. Au total, le service qui s’est lié aux banques UBA et Ecobank pour exercer au Sénégal a levé 13,8 millions de dollars depuis sa création.
Afin de s’aligner sur cette concurrence, Orange a décidé depuis le 1er juin de baisser ses frais de paiement de factures à 1 % et, pour compenser, de prélever à son tour un pourcentage sur les transactions entre particuliers, selon un principe de paliers calculé en fonction du montant envoyé (certaines transactions peuvent être ainsi taxées à hauteur de 10 %).
Le litige entre Wave et Orange est désormais dans les mains du régulateur des télécoms. Cela ne veut pas dire que la question sera rapidement réglée : « En principe, cette affaire concerne un contrat commercial de distribution de gré à gré qui n’est pas régulé, [donc la démarche de Wave] est étonnante », confie à Jeune Afrique Fabrice André, directeur général adjoint de Sonatel.
Pour Sonatel, l’objectif est donc de miser sur l’absence de régulation du secteur du mobile money au Sénégal.
« L’ARTP pourrait bien se déclarer incompétente, car le marché qui est impacté par le comportement d’Orange GSM n’est pas le marché des télécommunications, mais celui du mobile money, confirme un spécialiste sénégalais de la régulation des télécoms, également dirigeant d’un opérateur panafricain. En soi, la discrimination n’est pas une pratique proscrite lorsqu’on arrive à démontrer que les deux entités discriminées n’appartiennent pas la même famille », poursuit-il.
Mais si le régulateur télécoms se déclarait incompétent, cette affaire complexe pourrait remonter au niveau de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ou encore retomber dans le droit commun au niveau de l’Autorité de la concurrence.
En Côte d’Ivoire, où Wave s’est lancé en avril 2021, le litige sénégalais est surveillé de près. « Chaque pays à son propre modèle de distribution. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, nous pratiquons le zonage via quatorze distributeurs exclusifs avec lesquels nous travaillons depuis près de quinze ans. Les contrats ont été renouvelés en octobre 2020 et Wave n’a pas soumissionné », indique Mamadou Bamba, directeur général d’Orange Côte d’Ivoire.
Service encore récent dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, Wave est en pleine opération de communication pour se faire connaître. Le 25 mai, l’application a organisé un panel à Abidjan autour du rôle des fintech dans l’inclusion financière.
Aux côtés de Daniel Ahouassa, cofondateur du groupe de media en ligne Weblogy, le cofondateur de Wave Drew Durbin ainsi que Coura Sène et Bruno Belinga, directeur des opérations de la fintech, en ont profité pour promouvoir leur modèle.