Farazdaq prétend avoir décidé de tuer Mirbah
Mais Mirbah, présage-toi une longue et paisible vie
Le poète Jarir : 650-728 H
De mon humble point de vue la constitution sénégalaise n’a jamais attisé tant de rumeurs et de controverses que les lois touchant l’essence de la religion et notamment le daara. Mieux, les contestations et controverses d’ordre idéologique n’ont jamais été ainsi intenses, ce qui insinuerait que ces écoles coraniques seraient au bord du gouffre.
Pourtant, malgré ces médiocres moyens, le daar reste l’un des secteurs les plus dynamiques et prolifiques dans ce pays diminué et abîmé à tous les niveaux. La problématique sur les daara est liée à des racines historiques et confessionnelles très complexes et parfois ambiguës, qu’il est impossible d’être cerné en faisant fi desdites racines, vu leur étroite liaison avec les différentes positions.
A cela s’ajoute le climat géopolitique qui régit le monde actuel, et particulièrement les dirigeants de nos faibles états, inconditionnels des puissances impériales qui gouvernent le monde, et nos inquiétudes, nous les hommes de daara, sont vraisemblablement légitimes. Car en effet, une lecture sur la controverse soulevée par le cas de Serigne Khadim GUEYE, décèle une menace réelle et une profonde aversion pour les daara en général. Cette peur légitime et la prémonition vis-à-vis des méfaits de la loi en question sont dues à une foultitude de causes, notamment :
1- La menace historique : le colonisateur s’évertua dès son emprise sur le Sénégal à la fin du dix-neuvième siècle, à enrayer les écoles coraniques, puisqu’elles menaçaient son existence, et la simple présence de ces institutions religieuses constituait une hantise pour sa quiétude. Loin de favoriser l’ignorance au sein de la société, cette hostilité était encouragée par la volonté de changer l’enseignement par une méthode qui lui plairait.
Et c’est du déjà vu, sinon, qu’elle serait la « raison plausible » pour justifier – à titre d’exemple – l’incendie ignominieux commis par le colon pour dévaster la majestueuse université de Pire ? N’est-ce pas contradictoire à la lumière que l’occident réclame porter ? pas du tout, parce que cette université pourrait provoquer son éviction de nos territoires. En parlant de l’occupant, nous avons en esprit tous ces acolytes adhérés à sa cause par l’éducation et en quelques sortes par le baptême. Autrement dit, ils sont identiques au colonisateur.
2- La typologie des intervenants : si vous voudriez voir l’incarnation de la rancune, observez les yeux de ces cerveaux lavés, emportés par leur légèreté et fioriture, évoquant les daara. Même les supposés défenseurs des droits de l’homme, ont les visages brillants de feu, les yeux qui dégagent une férocité manifeste, comme quoi ils voudraient réduire les daara en cendres.
Cependant, il est intriguant d’admettre que l’on évertue à comprendre l’explication, fort heureusement sur les coins de l’histoire, affleurent les traces invisibles, et derrière on aperçoit que cette position est logiquement liée au gagne-pain. Néanmoins, ils nous intriguent encore quand on réalise leur oubli de défendre les droits des couches diminues ; pire, ils prônent des principes du libéralisme auxquels ils sont les plus défaillants. En réalité, ils ne s’expriment que pour retourner l’opinion publique contre une franche qu’ils considèrent comme oppresseur et obscurantiste
Concernant la loi, on pourrait l’étudier via ces trois éléments :
a- Le juge suspect : nous avons tant attendu une telle initiative salutaire. Toutefois, nul ne peut être rassuré sur une loi réglementaire des daara, instruite par l’Etat. Certes, on ne remet pas en cause les hommes, mais malgré bon gré les précautions qui pourraient être prises, l’histoire de cet état et celle de son boss font que le pessimisme prime l’optimisme. D’ailleurs comment peut-on organiser ce qu’on juge décroissant et obstacle au progrès ?
Est naïf, tout être qui croit en la piété du loup
Le poète égyptien, Ahmed Shawqi 1868-1932
Cette équivoque des francophiles n’est un secret pour personne. Quand on entre aux services étatiques en portant des vêtements traditionnels (religieux pour eux), on attire les regards aberrants en s’exposant aux remarques, or ces habits font intégralement partie de l’identité des pensionnaires des daara qui les portent avec fierté. Alors, comment peut-on être hostile à sa culture ?
b- L’insolente philosophie matérialiste : en lisant la loi portant organisation des daara je me suis posé des questions : le rédacteur maitrisait-il réellement les daara ? dans quel esprit ces dispositions sont-elles élaborées ? pour régler quelle anomalie a-t-il rédigé ces articles délabrés, ambigus et complexes ? j’aperçois déborder entre les lignes de cette réglementation le matérialisme qui sévit dans le monde actuel, qu’on peut considérer que ladite loi est exclusivement légiférée pour améliorer les conditions matérielles de ses établissements, et là on a l’impression que les daara sont atteints par la misère qui les obligerait de compromettre leurs principes, contre une amélioration superficielle.
Cette attitude est manifestement incorrecte, car assimiler l’esprit des pensionnaires des daara à celui des autres conduit à des conclusions erronées, vu la différence de finalités entre les deux univers. En effet, croire que les parents et maîtres coraniques seront épatés par les diplômes serait ignoré les intentions sous-tendant ce système pédagogique. Comment expliquer le refus de ces parents d’envoyer leurs enfants aux écoles françaises, bien que gratuites et plus sûres à l’avenir, selon eux ? En définitive, ces réformes ne réussiront pas à bonifier les daara aux yeux de ceux qui préfèrent l’enseignement public. Parce que leur problème, ce sont le daara, pas sa stratégie.
c- L’unilatéralité des méthodes et la problématique des disparités : parmi les dispositions les plus ambigües de cette loi, l’harmonisation du programme dont les objectifs sont tablés sur les écoles publiques. Cela me rappelle la République de Platon qui exige que la société repose sur les classes (pas des individus). Au-delà de la faisabilité de cette théorie, le crédo de ces écoles coraniques est au-dessus de l’entendement des initiateurs de cette loi ; un dakarois peut envoyer ses progénitures à Touba ou à Saint-Louis, puisque l’éducation inculquée dans ces villes le convainc ; étant plus conforme à sa vision.
Sans oublier que les règles de base dans les daara vont à l’opposé de cette unification, se basant essentiellement sur les niveaux d’intelligence des enfantes. Or aucun programme harmonisé ne pourra tenir en compte la disparité des niveaux entre un enfant qui a mémorisé le Saint Coran en dix longues années d’un autre qui l’a réussi en deux ans. Cette tentative n’est réellement que moquerie et connerie qui démasquent l’inaptitude de leur auteur à cerner l’essence de l’esprit et du programme des écoles coraniques.
Conclusion : au milieu de la controverse sur cette loi ambiguë aux caractéristiques jusque-là inconnues, en attendant un décret d’application, j’appelle les acteurs des écoles coraniques à assumer leur responsabilité devant Allah et devant l’histoire. Les promesses de postes et émoluments ne doivent les ébranler ; puisque ses méfaits sont largement plus nombreux que ses atouts. Il faut qu’ils fondent leur consentement sur une logique et une stratégie claire. Car une erreur d’appréciation aura des conséquences fatales et coûteuses. En conclusion, ce conflit est existentiel, seul l’inconscient croie pouvoir survivre à lui seul du déluge. Et qu’est-ce que le déluge ?
Par Elhadji moustapha MBAKCÉ