SPÉCIAL 4 AVRIL] Armées sénégalaises : Le pas cadencé des premières troupes

0 41
L’armée sénégalaise, telle qu’elle existe aujourd’hui, est un héritage de la colonisation. Des rangs français à l’armée nationale, en passant par la Fédération du Mali. Petite plongée dans l’histoire militaire du Sénégal nouvellement indépendant.
Jeune nation nouvellement indépendante, le Sénégal faisait face en 1960 à une équation de taille : former une armée pour assurer la défense de son territoire, après le départ des soldats français.
D’après la direction des archives et du patrimoine historique des Forces armées, celles-ci ont été formées grâce à des transferts de troupes issues principalement de la fédération du Mali. En effet, son indépendance proclamée le 20 juin 1960, cette fédération (Sénégal et ancien Soudan, actuel Mali) s’est dotée d’un Bataillon composé des ressortissants maliens et sénégalais transférés de l’armée française ou rappelés des réserves.
« Ce bataillon a, sous la houlette du Capitaine Mademba Sy du Sénégal et les lieutenants Soya Cissoko et Diarra, participé dans le cadre des missions de l’Organisation des nations unies (Onu), au maintien de l’ordre au Congo Kinshasa », témoigne le Colonel Mendicou Guèye, directeur des archives et du patrimoine historique des forces armées.
Implantations des unités fédérales
Il rappelle en effet que de nouvelles unités ont été vite créées. Celles-ci sont issues notamment du 61ème Régiment d’infanterie de marine (Rima), du 67ème Rima et du 7ème Bataillon d’infanterie de marine (Bima).
D’ailleurs, du côté sénégalais, ils étaient au total 1 718 hommes à être engagés. « Il y avait 83 officiers dont 61 assistants techniques, 269 sous-officiers et 1 366 hommes de troupe », précise le colonel.
10 novembre 1960 : Remise du 1er drapeau des armées du Sénégal
Mais, le 20 août 1960, la fédération du Mali éclate avec la proclamation de l’indépendance du Sénégal. C’est à cet effet que les autorités du pays ont choisi la compagnie de dépôt sénégalaise comme base pour la création de l’armée nationale. « Le premier drapeau des armées du Sénégal est remis le 10 novembre 1960 par le ministre de la Défense aux troupes stationnées à Dakar. Les accords de coopération signés avec la France prévoient la mise sur pied d’une armée de 2 500 hommes. Ces Forces armées devaient comprendre 170 officiers, 400 sous-officiers et 1 930 hommes de troupe », soutient le directeur des archives et du patrimoine historique des forces armées.
Toutefois, à l’en croire, à cette date, il n’existait que 70 officiers sénégalais issus de l’armée française. Il fut donc nécessaire, selon le militaire, de faire appel à des officiers français pour qu’ils tiennent un certain nombre de postes dans l’armée nationale jusqu’à ce que les officiers sénégalais, en formation, puissent les remplacer.
« Le problème de l’encadrement des sous-officiers fut moins grave, une soixantaine de sous-officiers français servaient les premières années dans l’assistance technique », raconte le colonel Mendicou Guèye.
Il ressort de nos informations que jusqu’en 1972, le même officier cumulait les fonctions de chef d’Etat-major général, de Commandant en Chef des Forces armées et de Commandant de la gendarmerie nationale.
« Mais, l’augmentation des effectifs tant dans la gendarmerie que dans les Armées entraîne plusieurs réorganisations successives. Outre un état-major général et son cabinet, on comptait quatre (04) bureaux techniques spécialisés et un service intendance. Cet état-major était créé pour procéder aux études préparatoires à la mise sur pied et à l’organisation de l’armée fédérale. Il constitue alors l’Etat-major territorial du Sénégal », confie notre interlocuteur.
Il faut également rappeler que le 20 octobre de la même année, le Chef de l’organisation provisoire du commandement du Sénégal devient Chef d’Etat-major du Sénégal. La fonction de Commandement provisoire des troupes du Sénégal est créée.
Le 21 décembre, l’Etat-major est transformé en Etat-major général et le chef d’Etat-major devient aussi le commandant des troupes du Sénégal.
Cependant, avec la création, en 1961, des grands services, des armées de l’air et de la marine, les bureaux techniques spécialisés disparaissent progressivement. Une année plus tard, le Chef d’Etat-major général devient Chef d’Etat-major général des forces armées. Celui-ci, devint, en 1972, le Chef d’Etat-major de l’armée nationale et la Gendarmerie devint un commandement distinct des forces armées.
24 septembre 1962 : Accords de transfert de soldats entre la France et le Sénégal
Le Capitaine Ngohre Sarr, actuel directeur de l’office national des anciens combattants et victimes de guerres du Sénégal, fait partie des soldats transférés de l’armée française. Dans un entretien avec Seneweb, il révèle avoir fait 6 longues années dans les forces françaises avant d’être transféré à l’armée nationale. Il s’était engagé volontairement dans les troupes françaises, le 31 mars 1956.
Après 3 mois de formation militaire à Rufisque, il a rallié Marseille (France) pour intégrer le Groupement d’instruction des troupes coloniales en métropole où il a encore suivi 4 mois de complément de formation de base.
C’est ensuite qu’il est envoyé à la brigade des gradés d’infanterie d’où il est sorti, au bout de 6 mois de stage, avec le grade de caporal. Le Capitaine a fait Algérie puis Sénégal, avant de faire cap sur la Mauritanie où il a est e, poste de 1957 à 1959. « C’était lors du premier conflit qui s’est déclaré en Mauritanie. On a fait 30 mois là-bas », rappelle l’ancien combattant.
S’agissant des transferts, il fait savoir que des accords de coopération en matière de défense avec la France ont été signés le 24 septembre 1962.
« Mais, rappelle le capitaine Sarr, nous étions déjà au front dans les montagnes en Algérie. Nous n’étions pas au courant du transfert des soldats d’origine sénégalaise. On est restés au front avec le premier Régiment d’infanterie de marine (Rima) de 1960 à 1962 ».
Informé de la nouvelle par des amis soldats, déjà transférés à l’armée nationale, Nghore n’a pas perdu du temps pour manifester son souhait de servir son pays natal.
« J’ai décliné la nationalité française… »
« De là-bas, j’ai demandé une consigne de passage gratuit au ministère français de la Défense pour pouvoir rejoindre mon territoire d’origine. D’ailleurs, ils m’avaient appelé pour me demander si je voulais opter pour la nationalité française, mais j’ai dit qu’étant donné que mon pays est indépendant, il faut que je rentre. J’avais un bel avenir pour continuer dans l’armée française, mais je voulais servir ma nation », indique le militaire sénégalais.
De retour au pays, sous les drapeaux français, son intégration dans les rangs de l’armée nationale est effective, le 2 octobre 1962, soit deux années après l’indépendance du Sénégal.
« Nous faisons partie des derniers à être transférés à l’armée nationale. On m’a affecté au troisième Bataillon (Kaolack), puis à la 6eme Compagnie fusiliers voltigeurs de Bignona », précise le directeur de l’office national des anciens combattants et victimes de guerres du Sénégal.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.