[Tribune] Sommet de Paris : La jeunesse africaine a (aussi) besoin de soutien (Texte collectif)

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D’ici à 2050, le continent comptera quelque 2,5 milliards d’habitants, dont la moitié aura moins de 25 ans. Pour sortir véritablement de la crise, l’Afrique devra aussi prévoir la prise en charge de l’emploi de cette frange de la population.

Les pays africains n’ont pas la capacité de mettre en place des plans de relance de leurs économies durement éprouvées par la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19. Le pouvoir d’achat a baissé, le déficit budgétaire a connu un niveau record de 8,4 % du PIB et environ 39 millions d’Africains sont tombés dans l’extrême pauvreté en 2021.

Face à ce fort ralentissement économique, le Sommet sur le financement des économies africaines, qui s’est tenu le 18 mai en présence de dirigeants européens et africains, ainsi que de représentants de banques multilatérales, vise à élaborer un plan d’aide comprenant des mesures de financement novatrices.
Priorités stratégiques

Les récentes manifestations au Sénégal, où la moitié de la population a moins de 20 ans, ont été l’occasion pour une jeunesse sans perspective d’avenir d’exprimer sa colère. Le président Macky Sall a réagi en organisant un conseil présidentiel sur l’emploi et l’insertion des jeunes et en annonçant une réorientation budgétaire de 450 milliards pour financer des programmes d’urgence qui leur sont dédiés. Ces événements marquants ont permis de prouver l’urgence d’élever la création d’emploi et l’éducation en priorités stratégiques.

Après de nombreuses années de croissance, le continent se retrouve désormais dans une impasse en raison de mauvaises politiques d’inclusion sociale, de la non prise en compte effective du dividende démographique et de l’avènement de nouveaux conflits, notamment le terrorisme.

« Le Covid-19 intervient comme effet aggravant, amplifiant toutes les failles politiques, économiques et sociales

Aujourd’hui, un Africain sur trois – soit 422 millions de personnes – vit sous le seuil de pauvreté mondial. Dans ce sillage, le Covid-19 intervient comme effet aggravant, amplifiant toutes les failles politiques, économiques et sociales. En effet, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la crise sanitaire engendrerait des pertes de revenus dépassant les 220 milliards de dollars et la suppression de près de la moitié des emplois en Afrique.
La question de la dette

Ce séisme économique interpelle notamment sur l’état de la dette. Multipliée par trois entre 2006 et 2019, de 100 à 309 milliards de dollars, elle fait courir aux pays d’Afrique subsaharienne le risque d’un déficit de financement de 290 milliards de dollars d’ici à 2023.

Déjà, en avril 2020, 5,7 milliards de dollars d’intérêts ont été différés grâce au moratoire du service de la dette accordé par le Club de Paris, prolongé depuis jusqu’à la fin 2021, libérant ainsi 15 milliards de dollars supplémentaires pour les pays éligibles.

Ces efforts sont considérables mais insuffisants : tous les créanciers ne participent pas encore à cette initiative et nous savons déjà que les économies africaines auront besoin de soutien financier supplémentaire. Ce Sommet doit donc entériner la participation de tous les créanciers (en particulier les créanciers privés) au moratoire sur la dette, ainsi que la redistribution des fonds créés par le FMI pour faire face aux impacts de la pandémie – les fameux « droits de tirage spéciaux » – aux pays les plus pauvres.
Encourager la création d’emplois

Pour sortir de la crise, l’Afrique devra aussi prévoir la prise en charge de l’emploi des jeunes car d’ici à 2050, le continent comptera 2,5 milliards d’habitants, dont la moitié aura moins de 25 ans.

Grâce à sa population jeune croissante et à ses abondantes ressources naturelles, l’Afrique a de quoi devenir un grand leader économique. Mais du fait du Covid-19, la croissance de l’Afrique subsaharienne s’est fortement rétractée, passant de 2,4 % à -5,1 % pour l’année 2020. Les économies africaines connaissent leurs premières récessions depuis plus de 25 ans.

Selon Mary Chinery-Hesse, directrice adjointe de l’Organisation internationale du travail, la croissance économique doit être génératrice d’emplois. Pour ce faire, il est crucial que les questions d’emplois et de main-d’œuvre soient intégrées dans la gestion économique, particulièrement en ce qui concerne la mise en valeur et l’utilisation des ressources humaines.

« L’accès à l’éducation ne devrait jamais être déterminé par l’endroit où l’on naît

Le Sommet du 18 mai doit ainsi permettre au secteur privé, moteur de la croissance en Afrique, d’être soutenu grâce à la création d’un environnement favorable et à la facilitation de l’investissement et de l’esprit d’entreprise. Cela suppose que les banques soient à l’écoute du secteur privé, tout en aidant les gouvernements à entreprendre la réforme de leurs cadres juridiques et réglementaires pour renforcer la gouvernance et la responsabilité.

La Banque africaine de développement, par exemple, devrait mieux exploiter les avantages que lui donne sa structure intégrée en élaborant des stratégies nationales et régionales qui couvrent aussi bien le secteur public que le secteur privé, et renforcer les synergies entre ces deux secteurs.

Des opportunités pour la jeunesse

L’éducation fait partie des droits fondamentaux pour l’humanité. Son accès ne devrait jamais être déterminé par l’endroit où l’on naît. Elle ne devrait pas être refusée à des enfants qui ne demandent qu’à avoir les clés en main pour se hisser hors du piège de la pauvreté. L’éducation contribue à l’autonomisation et à l’épanouissement d’un individu mais aussi au développement économique, culturel et social d’un pays. Il s’agit bien d’un levier décisif, potentiellement capable de sortir 420 millions de personnes de la pauvreté et de former les futurs décisionnaires pour une société florissante.

« Nous rédigeons cette tribune car nous sommes animés par une certitude : il y a urgence à agir

Pourtant, 50 % des enfants scolarisés en Afrique quittent l’école primaire sans poursuivre d’études secondaires. Dans les pays les moins développés, 90 % des enfants âgés de dix ans ne sont pas capables de comprendre une simple phrase écrite. La situation est d’autant plus critique que la pandémie de Covid-19 creuse chaque jour ce retard. Il est impératif que les chefs d’État qui ont participé au Sommet soulignent l’importance de l’éducation et la formation, et débloquent des financements dans ce sens afin de permettre à la jeunesse africaine de prendre part aux discussions politiques et trouver des solutions aux défis du continent, mais aussi façonner leur futur et décider de leur avenir collectif.

Nous sommes des jeunes, européens et africains, qui avons eu la chance de bénéficier d’une éducation de qualité. Aux côtés de ONE, nous œuvrons pour que chaque jeune, de Paris à Nairobi, puisse mener une vie digne et pleine de possibilités. Nous avons des horizons et des parcours différents, mais nous partageons les mêmes convictions et les mêmes valeurs. Nous rédigeons cette tribune car nous sommes animés par une certitude : il y a urgence à agir.

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