VICTIME D’UNE TENTATIVE D’ASSASSINAT – « J’AI ACCORDÉ LE PARDON MAIS J’AI TOUJOURS PEUR POUR MA VIE »

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C’est le dénouement d’une affaire rocambolesque, vidée ce mardi, 7 mai 2019, par le tribunal de Dakar. Une affaire de famille qui a malheureusement fini par atterrir sur la place publique et semble devoir se prolonger malgré la sentence du juge. Partie civile dans l’histoire, la gynécologue Docteur Rokhaya Thiam, faisait face à Hamady Dia, neveu de son défunt mari. Accusé d’avoir tenté d’assassiner sa tante, Hamady Dia a fini par écoper d’une peine de 10 ans de prison ferme, malgré le pardon prononcé par celle-ci dans la salle d’audience. Un verdict qui risque de continuer à raviver la tension car, juste à la sortie du tribunal, Rokhaya Thiam se plaignait encore d’une nouvelle agression de la part d’un proche du condamné, qui persiste à la voir comme le bourreau, malgré sa position de victime décidée par le juge, son pardon accordé et le franc symbolique réclamé à la barre. Craignant pour sa sécurité, elle nous a conté sa mésaventure et les difficultés qu’elle dit traverser depuis le début de cette affaire. Récit.

RÉOUVERTURE DU PROCÈS

« Il y a eu une première audience à laquelle je n’avais pas été convoquée et qui s’est passée à mon insu et à celui de mon avocat. Il n’y avait que le prévenu et ses avocats qui y étaient. C’est dans les journaux que j’ai appris que l’affaire avait été jugée. Les allégations des avocats m’avaient vraiment blessée parce qu’ils tentaient de mettre en doute ma crédibilité. Cela m’avait heurtée et j’avais demandé la réouverture des débats, pour donner ma version des faits et avoir un procès équitable. Ce qui a été fait mardi. Je voulais juste m’expliquer, dire ce qui s’est passé et faire confiance à la Cour dont le travail est de juger et de dire qui a raison. »

PARDON ACCORDÉ À LA BARRE

« … J’ai appris qu’il a nié les faits devant le juge d’instruction. Mardi aussi, il a nié devant la barre qu’il ne m’a jamais étranglée, que la corde ne lui appartenait pas et qu’au contraire, c’est moi qui l’ai invité chez moi pour le piéger et l’agresser. La Cour m’a demandé pourquoi cette agression a eu lieu ? Peut-être que c’est parce que j’étais mariée à son oncle sous le régime de la communauté de biens. Mon mari et moi vivions en France et quand on est rentrés au Sénégal en 2003, il ne travaillait pas ici. C’est moi qui travaillais, qui subvenait à tous les besoins de la famille. Et lui (Hamady Dia, neveu de son défunt mari), il a dit que c’est son oncle qui subvenait à tous les besoins de sa famille, jusqu’aux frais médicaux de ses membres. Quand mon mari est décédé, je ne donnais plus autant, ils se sont dit qu’il y avait un magot, un patrimoine sur lequel je serais assise et que je devrais partager avec eux. Le ressentiment a grandi. Le décès a eu lieu en 2012, mais c’est en 2017 qu’ils m’ont agressée. Il faut qu’il comprenne qu’il n’y a pas de patrimoine. Ils disent partout que je me suis accaparée du patrimoine de leur oncle, alors qu’on vivait de mon travail et mon mari est tombé malade. Je l’ai emmené en France pour qu’il se soigne et tout le monde sait combien se soigner à l’étranger peut ruiner les personnes fortunées, à plus forte raison quelqu’un qui travaille à la sueur de son front. »

NOUVELLE AGRESSION ?

« Après les plaidoiries des avocats, j’ai demandé à reprendre la parole parce que quand ils l’ont amené sur un fauteuil roulant parce qu’il était malade en prison, il m’inspirait de la pitié. C’est sa famille qui l’a monté et il a voulu régler l’affaire. J’ai eu pitié de lui et j’ai dit à la Cour de prendre en considération que j’ai pardonné et même pour les dommages et intérêts en tant que partie civile, je n’ai demandé que le franc symbolique. Le procureur avait requis une peine 20 ans de travaux forcés. Les juges ont discuté sur place et l’ont condamné à 10 ans. Quand on est sorti de l’audience, un de ses accompagnants a voulu m’agresser. Ce sont mes frères qui se sont interposés. Je n’ai pas compris qu’il soit belliqueux avec moi alors que j’ai pardonné. Je ne voulais plus d’histoire et je veux passer à autre chose. J’ai accordé le pardon pour être en paix avec moi-même d’abord, et si possible avec eux. Mais j’ai toujours peur pour ma vie, ma sécurité car manifestement, il n’y a pas eu de regrets de leur part. Ils disent même que c’est moi l’agresseur. Comme il n’y a pas eu de regrets, je me dits toujours que ma sécurité n’est pas assurée. Si lui est en prison, un autre peut tenter. Je vais aller porter plainte à la gendarmerie. S’il m’arrive quelque chose, qu’on sache qu’il y a eu ce contentieux… »

POSSIBILITÉ DE MÉDIATION ?

« Quand une personne tente de vous étrangler avec une corde… La relation de confiance est forcément coupée. Mes enfants sont à l’étranger mais ils sont perturbés parce qu’ils me savent en insécurité. Ils appellent régulièrement pour voir où j’en suis avec cette histoire. J’ai déjà déménagé plus d’une fois pour qu’ils ne puissent pas savoir où j’habite. Les avocats ont nié aussi la strangulation en arguant que c’est parce que je me dépigmente la peau qu’il y a eu des traces et remettent en doute le certificat médical qui disait qu’il y avait des traces de strangulation sur le cou. Ils ont dit également que puisque je suis médecin, je peux me procurer un certificat médical de complaisance auprès de n’importe quel ami médecin. Vous imaginez ce que ça fait ? On m’a agressée physiquement et j’ai failli perdre la vie et maintenant on m’agresse moralement, en mettant en doute ma crédibilité. C’est une double agression. Malgré tout, j’ai tout surmonté. Quand on pardonne, c’est qu’on ne cherche pas la confrontation. Je veux en finir avec cette histoire… »

 

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