Viol : Il n’y a pas de mauvaise victime (Par Adama Ndiaye)

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Pour Ndèye Fatima Dione, le rêve n’a finalement duré que le moment d’un éphémère quart d’heure de gloire, le temps d’un couronnement fugace comme reine de beauté au Sénégal. Car à peine son sacre consommé, elle était déjà la cible des trolls des réseaux sociaux et autres lapidateurs moquant sa culture générale succincte et parlant même d’erreur de casting sur un plan purement esthétique. Avis aux spécialistes, on ne rouvrira pas ce débat ici !

Ce qui est certain c’est que le cauchemar ne faisait que commencer pour la jeune fille, puisqu’elle vient d’évoquer dans la presse les violences qu’elle a subies durant la période de promotion inhérente à son statut de nouvelle miss. Sa mère affirme, même, qu’elle est tombée enceinte à la suite d’un viol, qui s’est déroulé lors d’un voyage organisé par le comité d’organisation de Miss Sénégal.

Viol ou pas, la justice le déterminera en temps voulu, mais Ndèye Fatime Dione rentre dans la catégorie de victime présumée, avec tout ce que cela comporte d’empathie, de solidarité, d’écoute et d’attention que nous devons éprouver à son égard.

Pour Miss Sénégal 2020, ce ne fut hélas pas le cas. D’abord elle a été lâchée de façon scandaleuse par la Présidente du Comité d’organisation du concours, qui nous a expliqué en gros que si une femme, majeure de surcroît, se fait violer, c’est qu’au fond elle l’a bien cherchée. Sortie d’une bêtise inouïe qui a suscité à juste titre une vague de protestations, entraînant la volte-face et les excuses de l’auteure.

Pour autant sa sortie rocambolesque n’est pas un incident isolé au Sénégal, où la compréhension, la solidarité envers les présumées victimes est à géométrie variable. On a entendu Iran Ndao, prêcheur religieux, qui a pignon sur rue, affirmer que mademoiselle Dione n’aurait pas vécu ce “viol présumé” si elle était restée sagement chez elle et n’avait pas concouru dans cette foire de l’exhibitionnisme que serait Miss Sénégal. Comme si le cadre familial n’était pas le lieu de beaucoup d’agressions sexuelles !

Néanmoins, cette sortie est ô combien révélatrice de la perception que l’on a en général des victimes de viol dans certains milieux où l’on en arrive même à établir des critères sur la bonne et la mauvaise victime.

Ainsi après le meurtre horrible de Binta Camara, beaucoup mettaient en avant la pudeur du port vestimentaire de la jeune fille pour mieux condamner l’acte.
Alors que d’autres victimes doivent toujours vivre avec une certaine forme de sentiment de culpabilité, insufflée par l’opinion, à cause de leurs tenues ou de leurs mœurs. Pour autant, si un viol est avéré, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise victime. Il y a des victimes tout simplement. Qu’elles soient Miss comme Ndèye Fatima Dione ou employée dans un salon de massage comme Adji Sarr, elles ont droit à la protection et au respect dues aux présumées victimes. À la justice, in fine, de faire son travail en toute transparence.

Notons, quand même, que le terme culture du viol est une réalité au Sénégal. Par cette expression, certains pensent qu’il revient à dire que tous les hommes sont des prédateurs sexuels en puissance. La culture du viol, c’est quand on excuse les violeurs ou que l’on minimise le statut de la victime sous différents prétextes, par l’habillement et le mode de vie par exemple, comme c’est souvent le cas au Sénégal. Cette forme de délégitimation des victimes n’est pas que l’apanage des hommes, mais aussi des femmes. En 2011, déjà, la ministre de la Femme et de la Famille, Aida Mbodj déclarait lors du vote du budget de son département au Parlement : “les filles sont de plus en plus des dévergondés et nous remarquons que le taux de viol augmente davantage”. C’était, certes, il y a dix ans, et les mentalités ont évolué comme l’atteste le vote de la loi criminalisant le viol, n’empêche la parole des victimes n’est pas suffisamment respectée à sa juste valeur.

Un travers dangereux qui pousse beaucoup de jeunes filles à subir les assauts de leurs bourreaux en silence alors qu’il est nécessaire sur ces questions de libérer la parole.

Heureusement, néanmoins, qu’il y a une nouvelle génération de militantes engagées déterminées à ne pas se laisser clouer le bec par le conformisme et le machisme ambiant.

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