L’universitaire sénégalais quitte Gaston Berger de Saint-Louis. C’est sur Facebook qu’il annonce son recrutement par l’université américaine, Duke en Caroline du Nord. Il a fait son au-revoir dans une lettre adressée à ses amis.
Depuis quelques jours, je suis arrivé à Durham en Caroline du Nord. Je rejoins l’Université de Duke ou j’ai obtenu un poste de Distinguished Professor of Humanities dans le département de Romance Studies. J’y occupe la chaire Anne-Marie Bryan. C’est un département d’humanités dites writ large. J’y enseigne dès cet automne, la philosophie Africaine contemporaine et diasporique ; au printemps, je donnerai un cours intitulé, music history and politics dans lequel je me propose d’explorer les dynamiques politiques et sociales des nations africaines depuis les indépendances, à travers l’archive musicale, et un troisième cours sur le soin et la guérison dans le roman contemporain Africain.
Après 13 ans de bons et loyaux services à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, c’est une nouvelle aventure qui commence pour moi. J’élargis mon champ disciplinaire aux humanités et continue à construire une expérience à la croisée des sciences humaines et sociales. Je me déplace et change de lieu à partir duquel je fais l’expérience du monde. Les chantiers entrepris sur le Continent se poursuivront, notamment les Ateliers de la pensée et l’école doctorale des Ateliers qu’Achille et moi organisons. Je continuerai à donner mon cours d’épistémologie à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, que je ferai en ligne, et le travail d’encadrement des doctorants de l’UGB se poursuivra. Pour ce qui est de l’économie, mon intérêt se porte désormais dans l’élaboration des fondements d’une économie du vivant. Je participe à un programme de recherche ici à Duke dirigé par Jocelyn Olcott, qui a pour ambition de faire du care le paradigme fondamental de l’économie.
Le programme de recherche que je conduis à Duke et sur lequel je vais travailler ces prochaines années, s’intitule Ecologies of Knowledge. J’y repose la question de ce qu’est un savoir, j’y explore les épistémologies du non-logos, les savoirs inscrits dans les textes oraux, les arts, les corps, et toute la topographie du discours social. Il est important non seulement d’élargir la géographie des savoirs, mais pour les sociétés africaines de réinvestir des archives cognitives et des pratiques discursives à travers lesquelles elles ont transmis et enrichi un capital culturel dans le temps. Ma conviction est que ces archives réinvesties, enrichiront notre connaissance et sont fécondes pour les temps à venir. Mon terrain de recherche de prédilection sera l’Afrique de l’Ouest.
Je rejoins au département de Romance Studies, l’historien Laurent Dubois, le sémioticien argentin Walter Mignolo, Deborah Jenson, Esther Gabara, Ranji Khanna, Anne Gaelle Saliot, Richard Rosa et tant d’autres, qui m’ont chaleureusement accueilli. Valentin Yves Mudimbé a enseigné dans ce même département il y a quelques années. Aujourd’hui à la retraite, il vit toujours à Durham. Je me suis promis d’honorer une promesse de visite que je lui avais faite il y a quelques années, et de contribuer au bout du mat de son travail, aidé des archives du tout-monde, à l’œuvre de réinvention que nous nous sommes assignés.