Au lendemain des élections législatives du 31 juillet 2022 : De grâce, ne ratons pas ce virage ! (Boubacar Camara)
Les résultats des élections législatives du 31 juillet 2022 rendent compte d’un changement historique avec la percée de l’opposition.
J’adresse mes vives félicitations aux coalitions YEWWI ASKAN WI et WALLU SENEGAAL pour ces résultats et surtout pour avoir fait preuve de pragmatisme politique et de dépassement en concluant l’alliance électorale dont je suis l’initiateur [1]. C’est toujours une fierté de voir une idée mûrie dans le secret de son cerveau prendre une forme vivante. Cette inter coalition mérite les acclamations de tout le peuple sénégalais pour avoir montré que, malgré les atteintes flagrantes à ses droits et libertés, les injustices subies, la répression féroce ayant entrainé des morts atroces, l’élimination de la liste des titulaires de YEWWI et les multiples diabolisations, le combat légitime pour obtenir la majorité à l’Assemblée nationale était juste et réalisable. Il me plaît de souligner le leadership, le courage et la mobilisation de Ousmane SONKO pour arriver au résultat obtenu.
Une mention spéciale doit être accordée à la Coalition GËM sa BOPP, injustement éliminée de la course. Malgré cette mise à l’écart, dans une cohérence et avec une mobilisation qui forcent le respect, elle a constitué un soutien de taille pour l’opposition. Il en est de même de la coalition AAR SENEGAAL dont la démarche innovante, le profil des leaders et l’offre programmatique crédible ont réussi à l’imposer sur la scène politique. Au décompte final, on assiste à une cuisante défaite de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) du pouvoir en place qui ne dispose plus d’une majorité absolue (moitié des députés plus un). Pour rattraper ce revers et tenter de « corriger » la volonté des électeurs, les tenants du pouvoir s’activent pour le ralliement des « députés ambulances » de la 9e liste[2]. Même si une demi-douzaine de députés confirmaient leur migration vers les prairies marron-beige et que les élus qui paniquent devant la pression de l’opinion et refusent de décrocher le téléphone après avoir encaissé les moyens de campagne et bénéficié de la facilitation pour le parrainage, franchissaient le pas, ces ralliements et les combinaisons futures au sein de l’Hémicycle ne changeraient en rien le fait constant que la majorité des électeurs est favorable au changement déjà clairement exprimé à travers le nombre total de suffrages exprimés, supérieur à celui collecté par le pouvoir en place.
Néanmoins, il se pose un vrai problème d’identification des camps des acteurs politiques. Sous le fallacieux prétexte de la liberté de choix, l’opposition est en train de devenir une rocade où se côtoient, dans la suspicion quotidienne, des acteurs politiques sincères et engagés avec de vrais projets de changement de gouvernance, des acteurs en attente de changement de camp, des signataires de protocoles ou accords secrets, des « bras extérieurs » du pouvoir et de ses alliés, des groupes qui s’opposent le jour et complotent contre l’opposition le soir autour du bol de couscous, des « agents spéciaux de renseignement » pour rendre compte des faits et gestes de leurs « camarades », dresser des pièges et autres stratagèmes contre eux, former des blocs « anti-X » ou « anti Y » et des frustrés dans leurs relations avec les tenants du pouvoir.
Les alliances tactiques dictées par certaines circonstances et pour certaines élections sont parfaitement fondées. Mais, elles ne doivent pas servir de prétexte pour justifier la constitution d’un nid de transhumance qu’il convient de briser définitivement par tous les moyens, y compris par une loi anti-transhumance bien pensée.
Il est temps que le champ politique soit clarifié et que ceux qui s’opposent au pouvoir le fasse sans s’asseoir entre deux chaises, chacun à sa façon, en conformité avec ses convictions et chaque candidat à l’élection présidentielle constituant son propre plan A, et ceux qui rejoignent ou renforcent le pouvoir en place, le fassent ouvertement. Les Sénégalais ont besoin de cohérence et de constance, de tout simplement comprendre.
L’autre leçon à tirer du succès de l’opposition est qu’elle aurait été plus nette si le schéma d’une liste unique à tous les niveaux (national et départemental) était retenu. Malheureusement, l’accord s’est limité au niveau départemental, chaque coalition conservant sa propre liste nationale. Cette présence simultanée de deux listes (YEWWI et WALLU) a entraîné une dispersion des votes sans laquelle l’inter coalition aurait devancé la liste de Benno Bokk Yaakaar (coalition du pouvoir) et remporté huit (8) sièges supplémentaires : les deux (2) du département de Louga, les quatre (4) de Mbour et les deux (2) de Bounkiling. Ainsi, on aurait 88 députés au lieu de 80 pour YEWWI-WALLU et 74 au lieu de 82 députés pour BBY.
Il était évidemment plus facile pour l’électeur de choisir l’unique liste présentée par la coalition YEWWI-WALLU et non de voter pour l’une des deux listes séparées, en faveur celle ayant investi les candidats dans le département, même si ce n’est pas la liste de sa coalition. En plus, il a manqué du temps pour une bonne communication autour de cette combinaison inédite. De plus, l’effet d’entraînement inévitable du vote utile renforcerait les suffrages obtenus pour la répartition des députés sur la liste nationale proportionnelle.
Finalement, en dehors de l’épisode de notre liste de Dakar qui a failli se noyer dans les sueurs froides de la piscine olympique, l’opposition s’est tirée deux balles dans les pieds. D’une part, elle a perdu huit (8) députés à cause de la dispersion des votes sur deux listes séparées, ratant ainsi l’occasion de détenir la majorité absolue, de prendre la présidence de l’Assemblée nationale avec toutes les prérogatives qui s’y attachent sans compter le positionnement décisif dans la gouvernance de l’Assemblée et d’imposer la cohabitation (n’en déplaise à ceux qui s’adonnent à un juridisme insipide !) au pouvoir en place qui aurait été contraint à la retraite anticipée et son chef à s’acquitter d’un minuscule calendrier dominé par des voyages internationaux pour vanter la démocratie sénégalaise et les dernières inaugurations avant les discours d’adieu, des « baalu aq » et autres remords.
D’autre part, l’opposition, notamment la coalition YEWWI ASKAN WI a raté l’occasion d’envoyer à l’Hémicycle des figures marquantes qui se sont battus vaillamment, à cause d’un mauvais remplacement d’une personne mineure. La façon dont le pouvoir a profité de cette erreur mineure qui aurait pu être régularisée montre qu’il avait bien compris l’enjeu,
L’opposition doit froidement admettre ces manquements aux graves conséquences et situer les responsabilités pour l’avenir. L’essentiel est que les leçons soient tirées de ces revers historiques que nous ne pouvons pas imputer au régime de Macky SALL, avec humilité et objectivité. Maintenant que nous avons raté la course avant le sifflet final, de grâce ne ratons pas le dernier virage !
La situation laisse un goût d’inachevé. Le pouvoir a perdu la majorité absolue et tente de se rattraper par le jeu de la transhumance tandis que l’opposition a perdu la cohabitation et doit se rattraper par une posture de chevalier dans sa dignité légendaire en hommage à nos anciens qui se sont battus pour la démocratie et la liberté et à la mémoire des morts pour la noble cause.
Dans tous les cas, le pouvoir panique car le ciel s’assombrit sur le projet d’une troisième candidature de Macky SALL. La porte de sortie lui a été clairement indiquée et la chaussée législative du tripatouillage de la Constitution se rétrécit et est devenue glissante.
Au regard des résultats des élections législatives, le Sénégal a l’opportunité d’apprendre par l’expérience, à vivre une situation inédite, à considérer, tout compte fait, comme entrant dans l’ordre normal des choses que le suffrage universel ait produit une Assemblée nationale équilibrée. Jouons tous la carte de l’apaisement et faisons maintenant de la vraie politique en confrontant nos idées et propositions, dans le respect réciproque de nos convictions.
Le pays a besoin de se mettre au travail dans la continuité de l’État et la stabilité. Le pouvoir en place a l’obligation d’accepter cette nouvelle configuration de l’Assemblée nationale. Le monde et surtout l’Afrique, nous regardent.
Aujourd’hui, il appartient au Président de la République de mettre en place un Gouvernement (Premier ministre et ministres), dont la fréquentation de l’Assemblée nationale ne doit pas être marquée par des heurts durables et fréquents au point d’installer un bras de fer entre les acteurs politiques, source de blocages persistants. C’est à ce prix que le Sénégal réussira à passer ce virage sensible en garantissant le fonctionnement correct des institutions. Mais tout indique que le Président Macky Sall optera pour un gouvernement de survie politique de son régime et ne ménagera aucun effort pour conserver le pouvoir, notamment en déposant directement sa candidature en 2024.
A bon entendeur, salut !
Bien évidemment, c’est le moment pour l’opposition disposant d’un projet alternatif de société crédible de se souder et de fixer d’ores et déjà les orientations conformes aux promesses faites aux électeurs et d’indiquer clairement au pouvoir que « rien ne sera plus comme avant » et qu’il faut mettre de l’ordre dans ce pays dont elle est actionnaire majoritaire.
Dans plusieurs domaines, les urgences se bousculent mais tout ne peut pas se conclure et avoir un effet immédiat et appréciable pour les populations en peu de temps. Qui trop embrase, mal éteint !
La nouvelle opposition parlementaire doit rapidement mettre sur la table sa vision en matière de défense des libertés publiques, de soutien aux personnes vulnérables particulièrement les enfants, les femmes et les personnes âgées, de transparence électorale, de protection de la société, notamment la jeunesse contre les travers sociaux, de promotion du secteur privé national, d’impartialité de la justice, de financement alternatif du développement à la place de l’endettement public excessif, de sauvegarde des ressources naturelles, d’équité territoriale, de gouvernance, de rationalisation des dépenses publiques et de priorisation adéquate des investissements.
Enfin, les élections législatives de 2022 ont mis à nu les obstacles artificiels à la libre participation qui pèsent sur le système électoral sénégalais à travers la caution, le parrainage et la parité. Il ne s’agit point de les supprimer. Il convient de les réformer dans une démarche consensuelle. En ce qui concerne la caution, il faut alléger les modalités de sa constitution (montant fixé par la loi, constitution par anticipation avec un système de provision sur une durée à déterminer, acceptation de toute forme de paiement sous réserve du contrôle de l’origine licite des fonds entre autres). Quant au parrainage, il doit être maintenu au moins pour l’élection présidentielle avec un changement fondamental consistant à accepter que tout électeur puisse parrainer au plus, trois candidats. Le système de contrôle du parrainage doit être transparent, doit associer les acteurs politiques au contrôle, être entièrement automatisé et validé en temps réel. Pour la parité, elle doit connaître une grande souplesse pour la régularisation en cas d’erreur dans la confection des listes jusqu’à la délivrance des bons à tirer du bulletin de vote qui doit désormais être un bulletin unique.
Deux réformes majeures sont également souhaitables pour faciliter l’inscription des primo votants et améliorer le contrôle effectué par la Commission électorale nationale autonome (CENA). Il s’agit d’une part de procéder automatiquement à l’inscription de tous les citoyens en âge de voter, de procéder aux radiations d’office pour ceux qui ont perdu leur droit et d’ouvrir une période de radiation volontaire pour les citoyens qui ne veulent pas exercer leur droit de vote dans la mesure où le vote n’est pas obligatoire au Sénégal.
Il s’agit, d’autre part, d’ouvrir la CENA aux représentants des partis, listes ou candidats dans la phase du recensement des procès-verbaux et de créer des commissions locales de dépouillement et de recensement des votes à la tête desquelles siègent des magistrats.
Pour terminer, on ne cessera pas de réclamer que l’organisation des élections soit placée sous la tutelle d’une autorité indépendante.
Les résultats des élections législatives du 31 juillet 2022 rendent compte d’un changement historique avec la percée de l’opposition.
J’adresse mes vives félicitations aux coalitions YEWWI ASKAN WI et WALLU SENEGAAL pour ces résultats et surtout pour avoir fait preuve de pragmatisme politique et de dépassement en concluant l’alliance électorale dont je suis l’initiateur [1]. C’est toujours une fierté de voir une idée mûrie dans le secret de son cerveau prendre une forme vivante. Cette inter coalition mérite les acclamations de tout le peuple sénégalais pour avoir montré que, malgré les atteintes flagrantes à ses droits et libertés, les injustices subies, la répression féroce ayant entrainé des morts atroces, l’élimination de la liste des titulaires de YEWWI et les multiples diabolisations, le combat légitime pour obtenir la majorité à l’Assemblée nationale était juste et réalisable. Il me plaît de souligner le leadership, le courage et la mobilisation de Ousmane SONKO pour arriver au résultat obtenu.
Une mention spéciale doit être accordée à la Coalition GËM sa BOPP, injustement éliminée de la course. Malgré cette mise à l’écart, dans une cohérence et avec une mobilisation qui forcent le respect, elle a constitué un soutien de taille pour l’opposition. Il en est de même de la coalition AAR SENEGAAL dont la démarche innovante, le profil des leaders et l’offre programmatique crédible ont réussi à l’imposer sur la scène politique. Au décompte final, on assiste à une cuisante défaite de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) du pouvoir en place qui ne dispose plus d’une majorité absolue (moitié des députés plus un). Pour rattraper ce revers et tenter de « corriger » la volonté des électeurs, les tenants du pouvoir s’activent pour le ralliement des « députés ambulances » de la 9e liste[2]. Même si une demi-douzaine de députés confirmaient leur migration vers les prairies marron-beige et que les élus qui paniquent devant la pression de l’opinion et refusent de décrocher le téléphone après avoir encaissé les moyens de campagne et bénéficié de la facilitation pour le parrainage, franchissaient le pas, ces ralliements et les combinaisons futures au sein de l’Hémicycle ne changeraient en rien le fait constant que la majorité des électeurs est favorable au changement déjà clairement exprimé à travers le nombre total de suffrages exprimés, supérieur à celui collecté par le pouvoir en place.
Néanmoins, il se pose un vrai problème d’identification des camps des acteurs politiques. Sous le fallacieux prétexte de la liberté de choix, l’opposition est en train de devenir une rocade où se côtoient, dans la suspicion quotidienne, des acteurs politiques sincères et engagés avec de vrais projets de changement de gouvernance, des acteurs en attente de changement de camp, des signataires de protocoles ou accords secrets, des « bras extérieurs » du pouvoir et de ses alliés, des groupes qui s’opposent le jour et complotent contre l’opposition le soir autour du bol de couscous, des « agents spéciaux de renseignement » pour rendre compte des faits et gestes de leurs « camarades », dresser des pièges et autres stratagèmes contre eux, former des blocs « anti-X » ou « anti Y » et des frustrés dans leurs relations avec les tenants du pouvoir.
Les alliances tactiques dictées par certaines circonstances et pour certaines élections sont parfaitement fondées. Mais, elles ne doivent pas servir de prétexte pour justifier la constitution d’un nid de transhumance qu’il convient de briser définitivement par tous les moyens, y compris par une loi anti-transhumance bien pensée.
Il est temps que le champ politique soit clarifié et que ceux qui s’opposent au pouvoir le fasse sans s’asseoir entre deux chaises, chacun à sa façon, en conformité avec ses convictions et chaque candidat à l’élection présidentielle constituant son propre plan A, et ceux qui rejoignent ou renforcent le pouvoir en place, le fassent ouvertement. Les Sénégalais ont besoin de cohérence et de constance, de tout simplement comprendre.
L’autre leçon à tirer du succès de l’opposition est qu’elle aurait été plus nette si le schéma d’une liste unique à tous les niveaux (national et départemental) était retenu. Malheureusement, l’accord s’est limité au niveau départemental, chaque coalition conservant sa propre liste nationale. Cette présence simultanée de deux listes (YEWWI et WALLU) a entraîné une dispersion des votes sans laquelle l’inter coalition aurait devancé la liste de Benno Bokk Yaakaar (coalition du pouvoir) et remporté huit (8) sièges supplémentaires : les deux (2) du département de Louga, les quatre (4) de Mbour et les deux (2) de Bounkiling. Ainsi, on aurait 88 députés au lieu de 80 pour YEWWI-WALLU et 74 au lieu de 82 députés pour BBY.
Il était évidemment plus facile pour l’électeur de choisir l’unique liste présentée par la coalition YEWWI-WALLU et non de voter pour l’une des deux listes séparées, en faveur celle ayant investi les candidats dans le département, même si ce n’est pas la liste de sa coalition. En plus, il a manqué du temps pour une bonne communication autour de cette combinaison inédite. De plus, l’effet d’entraînement inévitable du vote utile renforcerait les suffrages obtenus pour la répartition des députés sur la liste nationale proportionnelle.
Finalement, en dehors de l’épisode de notre liste de Dakar qui a failli se noyer dans les sueurs froides de la piscine olympique, l’opposition s’est tirée deux balles dans les pieds. D’une part, elle a perdu huit (8) députés à cause de la dispersion des votes sur deux listes séparées, ratant ainsi l’occasion de détenir la majorité absolue, de prendre la présidence de l’Assemblée nationale avec toutes les prérogatives qui s’y attachent sans compter le positionnement décisif dans la gouvernance de l’Assemblée et d’imposer la cohabitation (n’en déplaise à ceux qui s’adonnent à un juridisme insipide !) au pouvoir en place qui aurait été contraint à la retraite anticipée et son chef à s’acquitter d’un minuscule calendrier dominé par des voyages internationaux pour vanter la démocratie sénégalaise et les dernières inaugurations avant les discours d’adieu, des « baalu aq » et autres remords.
D’autre part, l’opposition, notamment la coalition YEWWI ASKAN WI a raté l’occasion d’envoyer à l’Hémicycle des figures marquantes qui se sont battus vaillamment, à cause d’un mauvais remplacement d’une personne mineure. La façon dont le pouvoir a profité de cette erreur mineure qui aurait pu être régularisée montre qu’il avait bien compris l’enjeu,
L’opposition doit froidement admettre ces manquements aux graves conséquences et situer les responsabilités pour l’avenir. L’essentiel est que les leçons soient tirées de ces revers historiques que nous ne pouvons pas imputer au régime de Macky SALL, avec humilité et objectivité. Maintenant que nous avons raté la course avant le sifflet final, de grâce ne ratons pas le dernier virage !
La situation laisse un goût d’inachevé. Le pouvoir a perdu la majorité absolue et tente de se rattraper par le jeu de la transhumance tandis que l’opposition a perdu la cohabitation et doit se rattraper par une posture de chevalier dans sa dignité légendaire en hommage à nos anciens qui se sont battus pour la démocratie et la liberté et à la mémoire des morts pour la noble cause.
Dans tous les cas, le pouvoir panique car le ciel s’assombrit sur le projet d’une troisième candidature de Macky SALL. La porte de sortie lui a été clairement indiquée et la chaussée législative du tripatouillage de la Constitution se rétrécit et est devenue glissante.
Au regard des résultats des élections législatives, le Sénégal a l’opportunité d’apprendre par l’expérience, à vivre une situation inédite, à considérer, tout compte fait, comme entrant dans l’ordre normal des choses que le suffrage universel ait produit une Assemblée nationale équilibrée. Jouons tous la carte de l’apaisement et faisons maintenant de la vraie politique en confrontant nos idées et propositions, dans le respect réciproque de nos convictions.
Le pays a besoin de se mettre au travail dans la continuité de l’État et la stabilité. Le pouvoir en place a l’obligation d’accepter cette nouvelle configuration de l’Assemblée nationale. Le monde et surtout l’Afrique, nous regardent.
Aujourd’hui, il appartient au Président de la République de mettre en place un Gouvernement (Premier ministre et ministres), dont la fréquentation de l’Assemblée nationale ne doit pas être marquée par des heurts durables et fréquents au point d’installer un bras de fer entre les acteurs politiques, source de blocages persistants. C’est à ce prix que le Sénégal réussira à passer ce virage sensible en garantissant le fonctionnement correct des institutions. Mais tout indique que le Président Macky Sall optera pour un gouvernement de survie politique de son régime et ne ménagera aucun effort pour conserver le pouvoir, notamment en déposant directement sa candidature en 2024.
A bon entendeur, salut !
Bien évidemment, c’est le moment pour l’opposition disposant d’un projet alternatif de société crédible de se souder et de fixer d’ores et déjà les orientations conformes aux promesses faites aux électeurs et d’indiquer clairement au pouvoir que « rien ne sera plus comme avant » et qu’il faut mettre de l’ordre dans ce pays dont elle est actionnaire majoritaire.
Dans plusieurs domaines, les urgences se bousculent mais tout ne peut pas se conclure et avoir un effet immédiat et appréciable pour les populations en peu de temps. Qui trop embrase, mal éteint !
La nouvelle opposition parlementaire doit rapidement mettre sur la table sa vision en matière de défense des libertés publiques, de soutien aux personnes vulnérables particulièrement les enfants, les femmes et les personnes âgées, de transparence électorale, de protection de la société, notamment la jeunesse contre les travers sociaux, de promotion du secteur privé national, d’impartialité de la justice, de financement alternatif du développement à la place de l’endettement public excessif, de sauvegarde des ressources naturelles, d’équité territoriale, de gouvernance, de rationalisation des dépenses publiques et de priorisation adéquate des investissements.
Enfin, les élections législatives de 2022 ont mis à nu les obstacles artificiels à la libre participation qui pèsent sur le système électoral sénégalais à travers la caution, le parrainage et la parité. Il ne s’agit point de les supprimer. Il convient de les réformer dans une démarche consensuelle. En ce qui concerne la caution, il faut alléger les modalités de sa constitution (montant fixé par la loi, constitution par anticipation avec un système de provision sur une durée à déterminer, acceptation de toute forme de paiement sous réserve du contrôle de l’origine licite des fonds entre autres). Quant au parrainage, il doit être maintenu au moins pour l’élection présidentielle avec un changement fondamental consistant à accepter que tout électeur puisse parrainer au plus, trois candidats. Le système de contrôle du parrainage doit être transparent, doit associer les acteurs politiques au contrôle, être entièrement automatisé et validé en temps réel. Pour la parité, elle doit connaître une grande souplesse pour la régularisation en cas d’erreur dans la confection des listes jusqu’à la délivrance des bons à tirer du bulletin de vote qui doit désormais être un bulletin unique.
Deux réformes majeures sont également souhaitables pour faciliter l’inscription des primo votants et améliorer le contrôle effectué par la Commission électorale nationale autonome (CENA). Il s’agit d’une part de procéder automatiquement à l’inscription de tous les citoyens en âge de voter, de procéder aux radiations d’office pour ceux qui ont perdu leur droit et d’ouvrir une période de radiation volontaire pour les citoyens qui ne veulent pas exercer leur droit de vote dans la mesure où le vote n’est pas obligatoire au Sénégal.
Il s’agit, d’autre part, d’ouvrir la CENA aux représentants des partis, listes ou candidats dans la phase du recensement des procès-verbaux et de créer des commissions locales de dépouillement et de recensement des votes à la tête desquelles siègent des magistrats.
Pour terminer, on ne cessera pas de réclamer que l’organisation des élections soit placée sous la tutelle d’une autorité indépendante.