Les cas de coronavirus issus de la transmission communautaire augmentent au Sénégal. Ce, malgré l’état d’urgence et le couvre-feu décrétés depuis plus d’une semaine, par le président Macky Sall. Une situation qui pousse à s’interroger sur le sort des milliers de malades mentaux errants, fortement exposés à ce virus.
À 20 h, en cette période de couvre-feu, ils font désormais partie de la short-list des personnes « autorisées » à circuler sans problème. Parce que, malgré le retrait maintes fois annoncé des malades mentaux de la rue, ces derniers sont encore visibles sous les ponts, au niveau des ronds-points notamment de la capitale sénégalaise. Ces individus, ne jouissant pas de toutes leurs facultés mentales, semblent donc laissés à eux-mêmes.
Plainte déposée contre l’État du Sénégal
Le président de l’Association sénégalaise pour le suivi et l’assistance aux malades mentaux (Assamm), Ansoumana Dione, qui a dit avoir alerté, a saisi le procureur près du tribunal de Rufisque d’une plainte enregistrée sous le n°1664 du 24 mars 2020 contre l’État du Sénégal, pour « non-assistance » aux malades mentaux errants.
« Notre pays est confronté, depuis quelque temps, à d’énormes problèmes liés à la Covid-19. Pour combattre cette maladie, l’État du Sénégal a pris des dispositions, visant à protéger la population, ignorant les malades mentaux errants », a-t-il rappelé dans cette plainte.
Et d‘ajouter : « C’est pourquoi nous venons, par la présente, porter plainte contre l’État du Sénégal, pour non-assistance à personne en danger, pour que justice soit rendue, afin que ces concitoyens vulnérables puissent être protégés, dans l’intérêt même des populations. »
M. Dione, qui dit tenir pour responsable l’État du Sénégal, en cas de contamination de ces handicapés encore visibles dans les rues, malgré le couvre-feu, est d’avis que notre pays « ne peut pas remporter la guerre contre la Covid-19, en laissant totalement en rade trois mille malades mentaux errants, par rapport à l’ensemble des mesures prises par le gouvernement ».
La situation de cette couche est préoccupante, si l’on sait que la pandémie continue de se propager dans le pays (195 cas confirmés à la date du 2 avril). Ce, en plus de la montée des cas de transmission communautaire.
« Un travail multisectoriel et inclusif »
De son côté, la Direction de la promotion et de la protection des personnes handicapées (Dppph) du ministère de la Santé et de l’Action sociale, indique que les malades mentaux, et les handicapés de manière générale, sont bien pris en compte dans ce combat contre la Covid-19.
Contacté par Seneweb, le directeur, Mamadou Lamine Faty, tient d’abord à préciser qu’aucun cas de malade mental atteint du coronavirus n’est jusque-là enregistré dans le pays.
« Actuellement, les comités régionaux, départementaux et locaux de gestion de l’épidémie sont à pied d’œuvre pour les suivre dans les différents centres dédiés partout à travers le pays », a-t-il fait savoir.
Pour lui, chaque malade mental recensé est automatiquement référé au comité compétent qui se chargera de lui assurer une prise en charge correcte. « C’est un travail multisectoriel et inclusif qui concerne plusieurs ministères », a notamment précisé M. Faty.
« Même si vous regardez à la télé, à chaque point de presse sur la situation de la Covid-19, il y a quelqu’un qui transmet le message en langue de signes pour les sourds. Cela veut dire que nous ne laissons personne en rade dans ce combat. C’est ce que nous faisons depuis le début de l’épidémie au Sénégal », s’est défendu notre interlocuteur.
« Une stratégie globale »
Mamadou Lamine Faty d’expliquer, par ailleurs que, d’après le dernier recensement de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), les populations vivant avec un handicap constituent 5 % de la population et dans cette tranche, il y a les malades mentaux. « C’est une couche importante que nous prenons en compte », insiste notre interlocuteur.
Pour le docteur Abou Sy, psychiatre en service à l’hôpital Fann de Dakar, la situation des malades mentaux est une affaire nationale qui nécessite une politique globale.
« Beaucoup de malades mentaux ont leurs familles à Dakar. Ce qui est important, c’est comment faire, aujourd’hui, pour les traiter, d’abord, et les réintégrer dans leurs familles respectives et, ensuite, appuyer ces dernières à pouvoir les prendre en charge », a-t-il fait savoir, soulignant que ce n’est pas seulement une affaire d’État.
« Il faut une stratégie globale. C’est un problème qui ne peut être réglé que par une concertation qui permettra d’arriver à une stratégie pérenne ».