Le Sénégal, une si douce «dictature» (Par Madiambal Diagne)

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Quand on regarde la littérature de ces dernières années sur la gouvernance publique au Sénégal, le régime de Macky Sall est très souvent dépeint dans les médias, relayant des propos de la société civile ou de l’opposition politique, comme une sordide dictature. La perception qui pourrait ainsi être laissée serait qu’au Sénégal, les droits humains seraient bafoués, que les règles les plus élémentaires ne seraient pas respectées, que l’opposition est muselée, que les médias ne seraient pas libres, que les droits des détenus ne seraient pas respectés, que des traitements inhumains et dégradants seraient réservés aux justiciables, que la Justice serait sous la chape de plomb du pouvoir exécutif, que les marches et autres manifestations publiques seraient systématiquement interdites. On a vu même que le débat a été installé sur une prétendue confiscation des droits des citoyens et que la Justice et l’appareil d’Etat seraient systématiquement instrumentalisés pour priver des citoyens de leurs droits civils et politiques. Le Sénégal serait aussi le pays par excellence de la maltraitance des enfants, de la traite des personnes et où les femmes seraient le plus discriminées. C’est dire que le tableau est plus que sombre, il est noir même. A chaque fois, quelques voix timides se sont élevées pour contester cette présentation des faits, mais il faut dire qu’il est toujours de meilleur ton d’accabler le pouvoir politique en place.

Les dirigeants des organisations sénégalaises de défense des droits de l’Homme ont été à la pointe de ce dénigrement. Tout le monde a pu observer la hargne avec laquelle certains d’entre eux parlent du Sénégal et de ses dirigeants, au point qu’on en arriverait à accorder quelque crédit à leurs dires. Le régime de Macky Sall n’a pu trouver la moindre grâce à leurs yeux. Les organisations de la société civile sénégalaise enfourchent les mêmes combats que des partis politiques et s’autorisent à sortir du champ de leurs missions respectives pour se prononcer sur toutes les questions ou s’autorisent des prises de position dans tous les domaines. Le contrecoup d’un tel comportement a été que ces organisations ont fini par être considérées comme des regroupements d’opposants politiques.

Le Sénégal, pays le mieux élu au Conseil des droits de l’Homme de l’Onu

La semaine dernière, le Conseil des droits de l’Homme de l’Onu a procédé au renouvellement de ses instances. Le Sénégal a été candidat pour rempiler au Conseil des droits de l’Homme, après un premier mandat de 3 ans. On aurait pu alors craindre une déconvenue du Sénégal à ces élections. Mais il a été réélu haut la main, avec un score de 188 voix pour 190 pays votants, pour un scrutin à bulletins secrets. Le Sénégal a ainsi réalisé le meilleur score électoral, parmi les 14 pays nouvellement élus pour compléter le collège de 47 pays siégeant au Conseil des droits de l’Homme et qui «ont la responsabilité de renforcer la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le monde». Cet organe «est en mesure d’examiner toutes les questions et situations en lien avec les droits de l’Homme qui nécessitent son attention ; et ce, tout au long de l’année».

Ainsi, le Sénégal a fait mentir tous ses détracteurs en matière des droits de l’Homme, car nul ne saurait suspecter une quelconque partialité ou parti pris, du fait de l’Assemblée générale des Nations unies, en faveur du Sénégal ou du Président Macky Sall. Cette «dictature banania», dirigée par des «kleptomanes», membres d’une «oligarchie clanique ou dynastique», fait ainsi mieux que toutes les grandes démocraties du monde. Cela mérite une certaine introspection. En effet, il y a une fâcheuse tendance dans ce pays à s’auto-flageller, à accabler son pays et à chercher à humilier les autorités politiques. Sur le terrain de la bonne gouvernance et des réussites économiques par exemple, en dépit des diagnostics «catastrophistes» faits par des opposants politiques, Macky Sall avait su répondre par des performances saluées et reconnues par la communauté internationale ainsi que par toutes les institutions nationales en charge de l’évaluation des politiques publiques. Cela nous faisait dire, le 14 novembre 2016, dans ces colonnes, que «Macky Sall répond de la plus belle des manières». Comme pour couronner tout cela, le Peuple sénégalais ne s’y était pas trompé, en élisant l’auteur de ces performances par un score sans appel de plus de 58% des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle du 24 février 2019. Le dénigrement n’a pas pour autant cessé. Bien au contraire ! Nous avons été amené à ainsi relever «les beaux succès de Macky Sall que son opposition refuse de voir» ou le fait que «Macky Sall n’est pas prophète chez lui».

Au demeurant, cette dernière reconnaissance des Nations unies à travers l’élection, avec la manière, du Sénégal au Conseil des droits de l’Homme, confirme le rayonnement international du Sénégal en matière de démocratie, de libertés publiques, de justice, de protection et de respect des droits de l’Homme.

Le silence radio embarrassé d’Amnesty Sénégal, Raddho et autres

Il est étonnant que cette élection passe presqu’inaperçue. La communauté des «droits de l’hommistes» du Sénégal semble n’être pas au courant. En effet, aucune organisation humanitaire sénégalaise n’a estimé devoir relever cette réélection du Sénégal pour continuer à siéger «à la Mecque des droits de l’Homme». Pas plus tard que le 18 septembre 2020, un groupe de six organisations de la société civile sénégalaise avait sorti une déclaration commune pour fustiger des velléités d’atteinte à l’indépendance de la Justice. Comment peuvent-elles s’accommoder d’une telle consécration si tant est que les violations des droits humains par le Sénégal seraient une réalité et que ce pays présenterait la face la plus hideuse ? Le cas échéant, il aurait été logique que ces organisations nous démontrent que l’Onu s’est fourvoyée ou que le vote éclatant en faveur du Sénégal aurait procédé d’un vulgaire bourrage des urnes. Leur silence est assourdissant. On peut être curieux de voir l’aisance avec laquelle les représentants des organisations nationales des droits de l’Homme continueront d’arpenter les couloirs du siège de l’Onu à Genève, pour casser du sucre sur le dos du Sénégal coupable de violations systématiques des droits humains.

Macky Sall devrait-il s’excuser pour ses succès ?

Il reste que les organisations de défense des droits de l’Homme pourraient s’interdire toute objectivité ou fair-play pour féliciter le gouvernement du Sénégal et l’inciter ou l’encourager à poursuivre ses efforts en matière de défense et de promotion des droits humains. De toute façon, les Ong gagneraient plus en objectivité et sûrement en sympathie de la partie de citoyens lucides si elles s’imposaient l’exigence de saluer ou reconnaître les points positifs engrangés par les gouvernements. Peut-être aussi que ce serait «l’alarmisme» ou le catastrophisme qui permet de drainer des financements ? Par contre, il est absurde que le gouvernement ait rasé les murs pour ne pas se féliciter bruyamment d’un aussi indéniable succès. A part un «tweet» du Président Sall et quelques quatre petites lignes dans le communiqué du Conseil des ministre du mercredi 14 octobre 2020, le gouvernement s’est interdit d’évoquer l’élection du Sénégal au Conseil des droits de l’Homme. Il a fallu s’émouvoir de ce silence pour que la Coordination des cadres républicains, une structure du parti du Président Macky Sall, daignât sortir de la torpeur pour féliciter le gouvernement de ce succès. On remarquera qu’aucun média sénégalais n’a eu à accorder une importance à cet événement. Ce n’est sans doute pas la faute aux médias, il était du devoir et de la responsabilité du gouvernement de faire en sorte que ce sujet ne puisse être occulté. Un tapage ou un tintamarre n’aurait pas été de trop. Pourtant, l’Etat du Sénégal ne manque pas d’instruments indiqués pour communiquer à son avantage sur la question. Entre la direction des Droits humains, le secrétariat d’Etat auprès du ministre de la Justice en charge des droits humains et de la bonne gouvernance, le Cabinet du ministre de la Justice ou celui du ministre des Affaires étrangères ou le Comité sénégalais des droits de l’Homme, il devrait sans doute se trouver une personne pour pouvoir communiquer directement avec les médias sur le sujet. Le paradigme de la communication gouvernementale semble être de rester dans une posture de riposte, de réaction, donc de ne jamais prendre l’initiative. C’est véritablement une occasion manquée pour remettre les choses à leur place, notamment après la vive controverse vécue l’année dernière, liée à l’examen de la situation des droits de l’Homme au Sénégal par le Comité des droits de l’Homme de l’Onu. Le Sénégal avait été épinglé sur les cas de droits politiques de personnalités, notamment Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall. La délégation sénégalaise avait semblé jouer contre son propre camp et cela avait valu une réaction ferme du gouvernement pour remplacer le directeur des Droits humains. Le Président Sall avait semblé comprendre le grand enjeu de la problématique des droits humains. La composante droits humains est bien devenue un complément nécessaire pour renforcer l’Etat de droit, mais il ne saurait suffire de créer un poste gouvernemental dédié à cet effet pour estimer en avoir fini avec la question qui devrait se révéler être un véritable atout diplomatique pour notre pays.

* Madiambal Diagne

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