Les 3 contre-vérités pour justifier la floraison de groupes parlementaires à l’Assemblée nationale

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Il est peut-être nécessaire de préciser que les députés et les maires, une fois élus, ont des pouvoirs qui leurs sont attribués par le peuple sénégalais à travers le suffrage universel. Ils doivent, par conséquent, rendre compte de leurs activités, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition.

La volonté de mettre en place plusieurs groupes parlementaires à l’Assemblée nationale n’est pas encore confirmée mais tout porte à croire que le projet a des soutiens solides et suit son cours. Durant ces derniers jours des éléments identifiés de SAP (Service Après Vente) qu’ils soient militants zélés ou chroniqueurs encartés s’attellent à faire passer la pilule avec des arguments qui frisent l’irrespect et la moquerie face à la détresse des populations qui croulent sous le poids de la pauvreté et des difficultés de toutes sortes notamment l’augmentation généralisée des prix des denrées de première nécessité.

Ceux qui s’offusquaient légitimement du projet d’augmentation des députés et qui refusaient à l’opposition d’être représenté au hcct veulent nous faire croire qu’augmenter le nombre de groupes parlementaires avec tout ce que cela implique en terme de charges sur le dos des populations est une excellente chose.

Les arguments suivants, totalement bancals, sont les plus usités tels qu’une chanson apprise en cœur, en salle de répétition.
1- « L’augmentation des groupes parlementaires permettra d’avoir plus de temps de parole à l’assemblée nationale. »
Faux ⚠️
A l’Assemblée nationale, le débat législatif est libre (Art 68 al 3 RIAN). La règle est que le temps de parole est attribué aux députés (orateurs) et non aux groupes constitués. Il suffit de lever sa main pour être inscrit dans la liste des orateurs. Et cela concerne presque 99% des travaux.
Exceptionnellement le débat est organisé par la conférence des Présidents. C’est notamment le cas lors des séances de déclaration de politique générale (1 fois pour chaque premier ministre nommé), de débat d’orientation budgétaire (1 fois par an)…
Dans ce cas la parole est repartie en tenant compte du nombre de députés dans un groupe et non du nombre de groupe. Même les non-inscrits sont servis.

Par conséquent, c’est faux de dire que le nombre de groupe peut permettre d’avoir plus de temps de parole.

2- « Cette augmentation permettra de renforcer une présence au bureau de l’Assemblée nationale . »
Faux ⚠️
Les membres du bureau sont élus, en dehors du président (élu au scrutin uninominal), au scrutin de liste pour chaque fonction respectant la parité, à la représentation proportionnelle selon la méthode du quotient électoral, calculé sur la base du nombre des députés inscrits dans chaque groupe, avec répartition des restes selon le système de la plus forte moyenne.
Par conséquent, c’est le nombre de député qui va compter et non le nombre de groupe. Diviser un grand groupe en plusieurs groupes parlementaires ne permettra pas d’avoir plus de membres du bureau puisque le nombre global de députés ne changera pas.

3- « Cela n’aura aucune incidence puisque le budget de l’assemblée nationale est déjà voté. »
Faux ⚠️
Comme tout budget d’une institution, celui de l’Assemblée nationale est voté toutes les années en tenant compte des crédits nécessaires au fonctionnement de l’Assemblée nationale.

Ces crédits sont déterminés par l’Assemblée en relation avec le Ministre chargé des Finances et inscrits, pour ordre, au budget de l’État. Les fonds correspondants sont mis, tous les trois (03) mois, à la disposition du Trésorier de l’Assemblée nationale par le Ministre chargé des Finances, à la demande de l’ordonnateur. Pour le fonctionnement des Groupes parlementaires et des Commissions permanentes, des crédits sont inscrits dans le Budget de l’Assemblée nationale. (Art 17 Al 4 RIAN)

Par conséquent les nouvelles charges sur le dos des populations qui seront créées par une pléthore de groupes parlementaires seront inscrits chaque année dans le budget de l’Etat et seront financés par le contribuable sénégalais jusqu’au dernier centime.
Par ailleurs, le fait de déclarer que les présidents de groupe pourraient faire pencher la balance à travers leur présence en conférence des Présidents est l’argument le plus dangereux. Une question aussi importante est ainsi traitée sous l’angle d’une stratégie politique spéculatrice qui coûtera chère aux populations. En effet, ce jeu visant à créer des représentants au niveau de la conférence des présidents pour avoir une majorité de membres présents risque d’entraîner un éventuel mimétisme. Si chaque coalition se divise en plusieurs groupes pour être majoritaire au sein d’un organe non délibérant, c’est le peuple sénégalais qui en pâtira. Et inutilement.
Les nouveaux députés doivent donner le bon exemple face à une « majorité » qui a déjà montré ses limites dans la gestion de l’assemblée nationale durant les deux dernières législatures.

La création de plusieurs groupes parlementaires ne serait finalement que le résultat d’un honteux partage du gâteau.
Thierno Bocoum

Ancien Parlementaire
Ancien Président de Commission
Président du Mouvement Agir

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