Mairie de Dakar – L’histoire de Soham Wardini, du Liban au Sénégal, racontée par Elhadji Ibrahima Thiam et Seydou Ka

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Soham Wardini est l’aînée de la fratrie Wardini, célèbre famille libano-sénégalaise originaire de Latmingué, au cœur du Saloum.  Parmi ses dix frères et sœurs on compte le Colonel Antoine Wardini, ancien Commandant de la zone militaire numéro 5 (Centre), Rose Wardini, présidente de l’Ong Médisol et Emile Wardini, ancien banquier.  Leur père, Georges, est venu du Liban pour s’installer au Sénégal dans les années 1940. Leur maman, Soukèye Guèye, est originaire du Baol.  

« Les Wardini, c’est l’histoire d’amour d’un négociant venu du pays des Cèdres et d’une restauratrice originaire de Mbacké. Leur père, Georges, a quitté le Liban, alors sous mandat français, dans les années 1940. Les Français avaient besoin d’envoyer dans les territoires coloniaux qu’ils contrôlaient des gens qui devaient servir d’intermédiaires dans le monde des affaires. Et puisque les Libanais sont très connus pour leur sens du commerce, ils ont été « exportés » un peu partout en Afrique francophone coloniale. C’est comme ça que le jeune Georges – il devait avoir seize ans – atterrit au Sénégal, alors qu’au départ du Liban il pensait aller en Amérique. Il commence par travailler comme traitant arachidier dans les maisons françaises, tout en distribuant des produits importés.

Georges, ses deux frères et leur sœur finirent par s’établir à Latmingué. Pendant quatre ans, ils continuent de travailler pour le compte de ces maisons françaises et au bout de la cinquième année ils ont décidé de faire leurs propres affaires. Dans cette ancienne résidence secondaire du Buur Saloum, ils font du négoce : achat de l’arachide et distribution de produits importés. Par la suite, la sœur est rentrée au Liban, l’un des frères décède, l’autre s’établit à Kaolack, où vivent encore ses enfants. Georges, lui, reste à Latmingué. C’est seulement en 1963, quand Soham devait aller au collège, que la maman oblige le père, qui « n’aimait pas la ville », à s’installer à Kaolack. D’ailleurs, il attendra trois mois avant d’accepter de rejoindre le reste de la famille, se souvient Emile.

Par « le jeu du hasard » (et de l’amour) Georges rencontre Soukèye Guèye qui travaillait dans un restaurant. Une histoire d’amour née. Jugée, pour le moins, exotique, cette union entre une négresse musulmane et un libanais blanc catholique ne reçoit pas l’onction des deux familles. Dans les années 1947-1948, c’était un des premiers couples mixtes. Il fallait avoir un sacré courage pour se marier à l’époque. La preuve, les deux tourtereaux ont été excommuniés de leurs communautés respectives après leur mariage. Du côté paternel comme du côté maternel, Mme Wardini appartenait à deux grandes familles musulmanes du Sénégal. Son père, un « baol-baol » du nom d’El Hadji Modou Guèye, était un chambellan de Serigne Fallou Mbacké, et sa mère, une « djolof-djolof », était très proche de Serigne Abdou Aziz Sy.

Malgré cette opposition, le couple a bien tenu le coup et fait « beaucoup d’enfants ». Dix au total. Seulement, le papa décède très tôt, en 1967, alors qu’Emile, l’aîné des garçons, n’avait que douze ans. La maman est obligée de se mettre au charbon et d’élever seule ses enfants. Analphabète et inexperte en matière de gestion, l’entreprise familiale tombe en faillite. Courageuse et pugnace, la maman Wardini parvient quand même à faire en sorte que ses enfants fassent de bonnes études. Tous ont obtenu le bac à l’exception de deux.

Plus que la situation sociale de ses enfants, la plus grande réussite de cette femme, c’est l’esprit de famille qu’elle a réussi à leur inculquer à ses enfants. Preuve en est, dans la fratrie Wardini, on compte deux chrétiens et huit musulmans. Il en va de même sur le plan politique avec des sensibilités très différentes : Soham, assure l’intérim à la mairie de Dakar et milite à l’Alliance pour les forces de progrès (Afp) et est proche de Khalifa Sall, tandis qu’Emile est beaucoup plus proche de l’actuel président de la République.

Cet esprit familial a permis à la fratrie de surmonter les épreuves difficiles. En tant qu’aînée, Soham a été la première à « se sacrifier », en devenant prof d’anglais, pour assurer le minimum vital à ses frères et sœurs. « En un moment donné, on était vraiment au cœur de la vague parce qu’avoir dix gosses, sans personne pour vous aider et sans aucun moyen, ce n’était pas facile. Ce qui explique d’ailleurs que certains d’entre nous ont été obligés d’abréger leurs études universitaires pour travailler et aider maman », raconte Emile.

 

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