THEATRE – Interdiction de produire des sketches : Un manque à gagner pour les troupes

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Les artistes comédiens subissent les contrecoups de l’interdiction de faire de la production théâtrale durant le Ramadan. A l’origine du sketch «Ndogou li», Tony, Taan Bombé et compagnie ont été obligés de se plier à la volonté des autorités et d’affronter cette nouvelle donne qui cause un manque à gagner énorme à nombre d’entre eux.

Les comédiens qui comptaient sur les sketches de Ramadan pour  gagner de l’argent devront prendre leur mal en patience. N’ayant plus que leurs yeux pour pleurer, ces artistes n’ont pu que constater le manque à gagner que l’interdiction de tourner, décrétée par la direction de la Cinématographie, leur a causé. Parmi ces artistes comédiens, ceux du sketch Ndogou li sont particulièrement affectés. Ils se disent même laissés à leur propre sort. «Le peu de moyens que nous avions réussi à économiser, nous l’avons dépensé dans la production. Nous sommes déjà à 500 mille francs, rien que pour prendre en charge le transport et la restauration des artistes comédiens», s’indigne Tony, une des vedettes de la troupe. Le comédien, bien connu par la truculence de ses prestations, en appelle à l’aide des autorités pour pouvoir vivre correctement. «C’est vraiment dur pour nous les artistes comédiens», se plaint-il. Tony et les autres artistes comédiens de Ndogou li, à savoir Taan Bombé, Rama Thiam, Maya et Cie, avaient cru être sur la bonne voie en bouclant une partie de Ndogou li avant l’interdiction de la direction de la Cinémato­graphie. Après avoir réussi à mettre dans la boîte seulement 5 épisodes, ces artistes comédiens ont rencontré des difficultés à poursuivre leur production. Guidé par une certaine conscience dans ce contexte de pandémie du Covid-19, les artistes comédiens décident finalement de laisser tomber cette production à cause des rassemblements que le tournage a tendance à créer à l’Unité 20 des Parcelles Assainies. «J’ai discuté avec les autres comédiens, Taan Bombé, Rama Thiam et les autres. Et nous sommes parvenus à nous entendre sur une position qui est de laisser tomber cette production et d’attendre jusqu’à l’année prochaine pour la poursuivre. Nous nous sommes dit que nous qui sommes les précurseurs des sketches durant le Ramadan, ce serait mal vu que l’on se fasse arrêter», souligne le célèbre artiste.
«On a réussi à faire 5 épisode et le teaser. C’était bien parti», regrette Tony qui souligne que lorsqu’ils tournaient Ndogou li, beaucoup de personnes s’agglutinaient autour, certaines perchées sur les balcons des maisons, créant les conditions d’un rassemblement favorisant la propagation du Covid-19. Raison pour laquelle d’ailleurs les autorités ont pris cette décision d’interdire les tournages, le temps de bouter cette pandémie hors du Sénégal. Après avoir bouclé trois jours de tournage qui ont permis de mettre 5 épisodes dans la boîte, Tony renseigne qu’il y avait des partenaires qui étaient prêts à associer leur image à leur production. Quid des 5 épisodes ? Tony de dire qu’ils vont les offrir aux téléspectateurs sur la Sen Tv qui devait se charger de la diffusion. Mais hormis cette chaîne, les sketchs pourront tout de même être monétisés à travers YouTube. Faisant de l’autoproduction depuis deux ans, Taan Bombé et Tony disent avoir senti venir cette interdiction. Raison pour laquelle ils s’y sont mis très tôt pour boucler cette production qui devait  passer quasiment tous les jours à partir de 18h 30 mn à la Sen Tv. Tony dit avoir intégré l’idée selon laquelle ce qui s’est passé dans les autres pays avec le confinement dû à la propagation du Covid-19 pouvait pousser les autorités sénégalaises à adopter la même démarche pour interdire tout rassemblement.

Entre 12 et 13 millions de perdu
Cette nouvelle situation prive les artistes de Ndogou li d’une somme assez conséquente. Selon Tony, «entre 12 et 13 millions de nos francs» de revenus tirés du sponsoring. Une manne financière qu’ils devaient se partager avec le télédiffuseur sur la base d’une clé de réparation qui fait que 40% reviennent à la télévision et 60% aux artistes comédiens. Au départ, le sketch était en vedette sur la télévision Walfadjiri qui est la première chaîne à les produire. Dans ce montage, il explique qu’il revenait à celle-ci de prendre en charge les cachets des artistes comédiens. Par la suite, c’est la Télé futurs médias (Tfm) qui prendra le relais. A l’expiration de ce contrat, Tony et Cie n’ont pas voulu renouveler le contrat avec la Tfm, avec l’idée de s’autoproduire. Une formule qui leur permettait de pouvoir mieux tirer profit de leur art, souligne-t-il.
«L’autoproduction nous permet de mieux vivre de notre art. Les ressources financières tirées de notre production nous permettent d’avoir une répartition équitable entre les deux parties. Chacune des parties aura 50% des recettes», argumente l’artiste comédien. Il explique qu’avec cette formule, les comédiens confirmés pouvaient gagner des recettes qui varient entre 1 million et 1,5 million de nos francs, alors que les figurants simples avaient des cachets qui varient de 100 à 150 mille de nos francs, à l’inverse des figurants intelligents qui gagnent un cachet de 200 mille francs. «Le producteur qui nous engageait durant le Ramadan se retrouvait avec des revenus qui varient entre 10 et 15 millions de nos francs», déclare Taan Bombé qui est un comédien qui a l’habitude de tenir en haleine les téléspectateurs durant le Ramadan à travers des sketchs diffusés sur le petit écran.

Un sérieux manque à gagner
L’interdiction de la direction de la Cinématographie de faire des tournages de sketchs durant le Ramadan pour éviter les rassemblements qui favorisent la propagation du Covid-19 impacte négativement les acteurs du théâtre. C’est le moins que l’on puisse dire. «J’avais empoché 400 mille francs en participant à la série de sketchs Abou Bilal ak koor gui diffusé durant le Ramadan», fait savoir une artiste comédienne ayant requis l’anonymat. Mais cette comédienne n’aura pas l’occasion de mettre la main sur cette somme à cause de l’interdiction de faire des tournages durant le Ramadan.
Parmi les impactés, il y a certains qui disent avoir dépensé de l’argent dans la production tout en espérant recevoir un retour sur investissement à travers les sponsors. L’artiste comédien Mame Mbodji Gaye, plus connu sous le sobriquet de Thiapathioly, dit avoir perdu 500 mille francs dans la production d’un sketch en payant les artistes comédiens et le caméraman avec qui il travaillait tout en prenant en charge leur restauration durant le tournage. D’ailleurs, l’artiste avait engagé la discussion avec la 2Stv qui avait promis de diffuser le sketch à condition que le coronavirus disparaisse au Sénégal. Malheureusement, ce virus résiste encore et continue d’étendre ses tentacules au Sénégal. «Ce projet est tombé à l’eau. Ce n’est plus possible», regrette l’artiste comédien qui est le producteur de Kooru Thiapathioly. Face à cette situation, cet artiste se rabat vers YouTube pour espérer monétiser sa production avec un certain nombre de vues.

Contre le Covid-19 : Participer à la sensibilisation
Avec la survenue de Covid-19 et malgré les désagréments causés sur le plan financier, les comédiens sont très impliqués dans la sensibilisation contre le Covid-19 et l’intègrent dans leurs productions. Se considérant comme des porteurs de voix, les artistes comédiens comme Tony de soutenir que s’il y a de l’humour dans ses productions, il y aura une dose de sensibilisation sur le Covid-19. «On fera cette sensibilisation durant les dix premiers jours pendant lesquels se dérouleront nos sketches. La deuxième partie de notre production devait servir à faire que chaque artiste fasse un message de sensibilisation sur la pandémie avant le démarrage des sketches», a dit Tony qui avait misé sur cette nouvelle production pour associer les artistes comédiens non seulement dans l’effort de guerre contre le Covid-19, mais aussi aider la population à déstresser dans ce contexte marqué par une  panique généralisée depuis l’intrusion du  coronavirus. «On sait que le Covid-19 est dangereux. Ça nous a renfermés en nous-mêmes. Nous vou­lions  profiter de ces sketches pour sortir de cette inquiétude la plupart des Sénégalais. Et un des moyens d’y parvenir est de les faire rire», a dit Tony qui avait l’habitude, avec Taan Bombé, Maya et les autres, d’offrir des tranches de rigolades à travers leur production Ndogou li. La non diffusion de ces sketchs va sûrement créer un vide chez un certain de nos concitoyens qui ne rataient l’occasion de se mettre devant le petit écran. Mais avec cette période de confinement imposée par le couvre-feu, les artistes comédiens ratent une occasion de faire passer leur message de sensibilisation et d’aider à barrer la route au Covid-19. «Mon téléphone ne cesse de sonner. Je reçois des appels de partout, des Sénégalais qui demandent quand est-ce qu’on va commencer à diffuser Ndogou li», indique Tony.

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