Le juge Ibrahima Dème considère que la condamnation à perpétuité est une peine « suffisamment dissuasive » pour lutter contre les crimes. Dans cet entretien avec Seneweb il met en garde contre un retour de la peine de mort dicté par « le populisme », « l’émotion ».
Quelles sont les causes des meurtres, viols et agressions notés ces dernières semaines ?
D’emblée, il serait important de faire la distinction entre les crimes qui relèvent de la sécurité publique, par exemple les cas d’agression sur la voie publique, de vols et d’attaques à main armé avec d’autres crimes qui sont passionnels et crapuleux. Les premiers cas relèvent de la responsabilité directe et entière des autorités publiques qui doivent garantir la sécurité des personnes et des biens en prenant des mesures préventives pour agir sur les facteurs qui la déterminent, mais aussi des mesures répressives. Il faut cependant reconnaitre que les crimes passionnels ou crapuleux relèvent plus de la déviance qui n’est perceptible que lorsque la personne passe à l’acte.
À propos des mesures répressives, contre les meurtres, d’aucuns recommandent le retour de la peine de mort. Votre avis ?
Le code pénal prévoit pour les personnes coupables de crime comme le meurtre et l’assassinat la détention perpétuelle, c’est-à-dire à vie. Être condamné à perpétuité, c’est être détenu pour le reste de sa vie, donc jusqu’à sa mort. C’est une condamnation à la mort sociale car le condamné ne sortira de la prison que pour être amené au cimetière. Je pense personnellement que cette peine est suffisamment dissuasive.
« Il faut rester lucide et responsable pour ne pas légiférer sous le coup de l’émotion. La loi pénale ne doit pas être réactive, mais elle doit être le fruit d’une longue réflexion. »
Donc le retour de la peine de mort ne vous semble pas opportun.
Il faut faire très attention pour ne pas tomber dans le populisme sous l’influence de l’opinion publique qui du reste peut changer du jour au lendemain. Les mêmes personnes qui réclament la peine de mort aujourd’hui, peuvent dans quelques mois ou années, demander la clémence pour les auteurs de ces crimes. Certes, il faut mesurer la gravité de certains faits et les réprimer sévèrement, mais il faut rester lucide et responsable pour ne pas légiférer sous le coup de l’émotion. La loi pénale ne doit pas être réactive, mais elle doit être le fruit d’une longue réflexion dont la finalité est d’entériner des mesures utiles à l’évolution de la société.
Les accidents de la route aussi sont devenus courants. Comment régler le problème ?
Le problème des nombreux accidents de la circulation n’a pas encore trouvé de solution et ceci, malgré les engagements fermes et répétés de nos gouvernants. La récurrence des accidents de la circulation avec leurs lots de morts et de blessés devient intolérable surtout que les autorités publiques qui en sont les premiers responsables tardent à prendre des mesures fortes pour juguler ce fléau en amont. En effet, c’est un problème qui va perdurer tant que les autorités resteront dans leur posture laxiste qui laisse impunie l’indiscipline caractérisée de certains automobilistes sur nos routes et la corruption ostensible et honteuse de beaucoup d’agents chargés du contrôle routier.